A la Croisée de l'Anjou, de la Touraine et du Poitou
Recueil de chansons de Benjamin Champalloux
constitué en 1912 pendant son service militaire
par Jean-Claude Raymond
Table des matières
Benjamin Champalloux, loudunais, a effectué son service militaire à Châtellerault, au 32e régiment d'infanterie, dans la 9e compagnie. Il portait le matricule 2766. Pendant quelques mois de 1912, il a noté sur un cahier des chansons. Fernande Germain, sa fille m'a permis de consulter ce cahier. Je tiens à la remercier chaleureusement car grâce à elle nous retrouvons l'ambiance du début du siècle dernier, l'époque de nos grands-parents et arrière-grands-parents, en un mot nos racines. Il me semble important de faire connaître la vie de ceux qui nous ont précédés et c'est un des buts de ce site que de constituer une sorte de mémoire au gré des rencontres et des documents sortis de l'oubli. Encore merci.
"La chanson la plus fréquemment chantée par mon père, nous dit sa fille, était La Madelon qui ne pouvait pas apparaître dans son cahier car elle a été créée en 1914, son cahier étant daté de 1912. Néanmoins Benjamin Champalloux avait fait sienne cette chanson dès son retour de la guerre 1914-1918. Il n'oubliait jamais de la chanter, le 11 novembre et le 14 juillet. Lors des réunions d'anciens combattants ou festivités militaires, cette chanson lui était demandée."
Le cahier en question est de type écolier, réglé de lignes horizontales bleues et d'une ligne de marge rouge. La reproduction du dessin accompagnant la chanson Elle n'était pas jolie laisse apparaître les lignes en question.
Vous trouverez le premier couplet et le premier refrain de chacune des 14 chansons couvrant 31 pages manuscrites (voir la reproduction d'un extrait). Quatre d'entre elles sont illustrées de dessins coloriés au crayon de couleur.
Les thèmes et les paroles des chansons ne sont pas ceux de chants militaires et nous laissent supposer qu'il s'agit des chansons préférées de Benjamin Champalloux.
Une mention de dates accompagne 5 chansons entre Le Camarade de lit et Mon Gosse. Elles s'échelonnent du 27 janvier au 3 février 1912.
Le texte manuscrit a été retranscrit sans aucune correction orthographique. Nous avons respecté sauf erreur de notre part conservé l'orthographe du cahier. La principale remarque porte sur l'accentuation : absence d'accent aigu à l'intérieur des mots et emploi d'accents graves à la place d'accents aigus.
Les passages d'une page du cahier à une autre sont matérialisés par une ligne horizontale. Comme nous ne reproduisons pas l'intégralité du texte, il n'y a pas autant de lignes horizontales que de pages dans le cahier.
Elles nous ont permis jusqu'à maintenant de ne retrouver des informations que concernant La Valse brune qui fut un grand succès encore édité de nos jours. Bien sûr, nous serions reconnaissants à toute personne qui pourrait nous fournir des informations sur ces chansons. Consulter les questions que nous nous posons et prendre contact avec Jean-Claude Raymond. Par avance Merci.
Un tel recueil de chansons révèle les préoccupations, les aspirations de celui qui l'a constitué, mais les chansons donnent aussi l'ambiance générale de l'époque concernée.
Les principaux thèmes relevés sont :
A la veille de la Grande Guerre, la France est amputée d'une partie de son territoire comme suite à la défaite de 1870. La perte de l'Alsace et de la Lorraine est un traumatisme, une humiliation. Malgré la charge héroïque et inutile des cuirrassiers à Reichshoffen l'honneur de la France est atteint. Consulter à ce propos l'anecdote rapportée par un participant à cette bataille. Le retour de l'Alsace et la Lorraine à la Mère Patrie paraît, à la plupart, la condition nécessaire pour que la France et les français retrouvent leur honneur. Dors mon chéri exprime bien cet état d'esprit. Il ne faut toutefois pas croire que toute la France était militariste. Pour cela consulter l'histoire de l'époque. Pauvre Mère Alsacienne aborde bien sûr la question de l'Alsace mais sous un angle plus humain. Ces chansons ne sont pas les seules de l'époque sur ce thème. On imagine que traduisant l'esprit d'une société à un instant donné, les chansons contribuent aussi à propager la propagande revancharde d'un certain nombre. La question qu'on peut se poser aujourd'hui est de savoir si aujourd'hui la chanson actuelle ne joue pas le semblable rôle et si oui, lequel ? Qu'en 'est-il de la télévision avec le libéralisme et la mondialisation ? le cinéma avec la violence et la délinquance des jeunes ?
Une grande partie de l'épopée coloniale française s'est déroulée entre la guerre de 1870 et celle de 1914-1918. On retrouve dans Dans l'métro le côté conquérant du colonialisme qui considère les peuples conquis comme inférieurs. Cette chanson reste pourtant dans le registre badin et tourne à son avantage ; le petit noir fait fuire l'amant jaloux et méchant comme un vieux hibou. Il n'empêche que l'expression petit noir, l'énumération des cadeaux : mes chameaux, mon gourbi, ma descente de lit en poils de méhari, tout le fourbi ont un caractère condescendant. L'aspect comique n'a-t-il pas pour effet de ridiculiser le noir ?
Plusieurs chansons abordent la question de l'amour. Celui-ci n'y mène pas au bonheur.
Dans Il pleuvait à torrents, l'héroïne est abandonnée puis meurt en une longue agonie au cours de laquelle elle revoit sa vie.
Dans Elle n'était pas si jolie, un moment délaissée, ce n'est que grâce au pardon de l'héroïne que le bonheur est obtenu.
Dans Mon Gosse, le père abandonne sa compagne et son fils et veut ensuite le reprendre à cette dernière. Dans ces trois chansons, le rôle de l'homme est peu reluisant.
Dans Sur la Falaise, les jeunes amoureux auraient pu penser trouver auprès de leur famille un écho favorable à leur amour. Ils sont conduits au suicide.
On retrouve dans Hâtez-vous d'aimer, le thème du carpe diem cher à Ronsard dans Mignonne allons voir si la rose…
Ma frangine et La Mariolle traitent de la prostitution. Elles se terminent par une réhabilitation de la femme qui soit s'occupe de son enfant, soit travaille honnêtement. Le salut n'est obtenu que par le retour à la morale.
Tous les
dessins du cahier sont reproduits :
Verso de la page de garde
Il pleuvait
à torrents
Elle
n'était pas si jolie
La Mariolle
Ils semblent avoir été faits par reproduction au moyen de papier carbonne bleu. Une feuille est toujours pliée dans le cahier. Des marques bleues sont décelables. Les traits ont été renforcés à l'encre. Les dessins ont été ensuite coloriés de manière assez grossière. On remarquera aussi que tous les dessins concernent la représentations de femmes.
Le dessin ci-dessus, situé au verso de la page de garde, ne semble pas se rapporter directement à la première chanson qui le suit.
1er couplet
C'était mon camarade de lit * et nous étions du même village
On se ressemblait a ce qu'on dit
Et nous étions juste du même âge
Avec son caractère ardent il devait y arriver de la misère
Un jour il frappa le sergent
Ce fût pour lui le conseil de guerre.Refrain
Il est la bas sur les routes en Afrique
On dit que faudra qu'il y reste vingt ans
Il est la bas sur les routes en Afrique
Vingt ans c'est long il aura les cheveux blancsChâtellerault le 27 juin 1912
Cette chanson comporte 5 couplets et un refrain évolutif.
Notes
* Camarade de lit
La vie militaire en 1841 À notre époque de service à très court terme, où nous appelons « militaire de carrière » un soldat qui s’engage à servir plus de deux ans, une armée composée de volontaires et de soldats appelés pour sept ans, fait figure d’armée de métier. En fait, elle n’était pas autre chose. Tout contribuait à isoler le soldat de sa famille, la difficulté des communications, la rareté de la correspondance et des congés ; à l’isoler également du reste du monde, car un long temps s’écoulait avant qu’il fût jugé capable de prendre une garde à l’extérieur, ou de faire honneur à son régiment par la correction avec laquelle il porterait en ville l’habit ajusté et le lourd shako *. Il travaillait dans la caserne à devenir un soldat présentable, apprenait à marcher, à manœuvrer et plus encore peut-être à astiquer, partagé entre les prises d’armes, les revues et les inspectons. Bien que les casernes eussent bénéficié de perfectionnements, le lit était pour deux, et l’expression « camarade de lit » n’était pas une image ; le réfectoire était inconnu et la gamelle commune aux hommes de la même escouade. A vivre d’une façon aussi intime, l’union s’établissait entre tous ces braves gens, guidés de près dans tous leurs actes par des gradés justes mais sévères et exigeants…L’Histoire de l'armée française
édition Ernest Flammarion, 1953
* shako ou schako : nom masculin d'origine hongroise introduit vers 1761, désignant une ancienne coiffure militaire ressemblant à celle que portaient les hussards hongrois. Actuellement, shako orné du casoar des saint-cyriens.
Pages 7 et 8
Ce médaillon de 10.4 cm, placé à la suite du dernier refrain de Le Camarade de lit, peut illustrer la chanson de la page 7 qui lui fait face et a pour titre Il pleuvait à torrents.
1er couplet
Il pleuvait a torrent sur sa porte en rentrant
Il l'a vit s'abriter sans rien dire
Et de suite il sû la séduire
D'un sourire
Il lui dit doucement montez donc un instant
Et comme elle acceptait peu farouche
En montant l'escalier il lui prit un baiser
Un baiser sur la boucheRefrain
De quoi rêver si ce n'est qu'a l'amour
Qui vous prend vous retien vous enchaîne
Poue deux beaux yeux que l'on rencontre un jour
Que d'ennuy de chagrin que de peine
Etourdiment dans un léger serment
Nous brisons notre viedans une heure
On céchange un baiser pour rire pour s'amuser
Et l'on en pleureChâtellerault le 1er [février 1912]
Commentaires
Cette chanson comprend 3 coupletset un refrain.
[Pages 8 à 10]
Cette chanson comprend 3 couplets et un refrain évolutif.1er couplet
A Paris le matin voyez passer
Les petites ouvrières le pas prêssè
C'est de leurs doigts de fées que te toute la journée
Vont sortir des chapeaux des robes et des manteaux
Voyez les demoiselles du magasin
Detaillant des rubans ou du satin
Com-me elle savent les coquettes
Faire valoir une toillette
Où d'un geste èlegant essayer des gantsRefrain
Et voila la journée terminée
En cachette elle s'est vite repoudrée
Crac il pleut elle traverse un ruisseau
Je vous en prie mamzelle encore un peu plus haut
Tout d'abord indignèe elle rougit
Puis se retourne il est bien elle sourie
Dame elle est heureuse quand on la trouve joli
La petite ouvrière de Paris
Commentaires
Le titre exact est Mes petites ouvrières, paroles de Ferdinand-Louis Bénech, musique de Désiré Berniaux, 1909, éditions Benech/Beuscher. Louis Bénech est né à Paris le 1875-09-24, est décédé à Paris le 1925-03-19). Il est l'auteur-compositeur de nombreuses chansons du début du XXe siècle. Parmi les plus connues sont Nuits de Chine et Riquita.
[Pages 13 et 14]
1er couplet
Il ne sont pas des gens a valse lente
Les bons rodeurs qui tournent la nuit
Ils lui prefèrent la valse entrainante
Souple rapide ou l'on tourne sans bruit
Silencieux ils enlassent leurs belles mêlant la côte* avec le cotillon
Legers legers ils partent avec elles
Dans un gai tourbillon.
Refrain
C'est la valse brune des chevaliers de la lune
Que la lumière importune qui recherchent un point noir
C'est la valse brune des chevaliers de la lune
Chacun avec sa chacune. la danse le soir.
Commentaires et note
Cette chanson de Georges
Krier et Georges
Villars comprend 3 couplets. Le refrain est unique. C'est
une valse en do majeur. Éditions Beuscher, 1909. Elle
était interprétée
par Lucienne Delyle.
Enregistrement par Juliette
Gréco
- Philips Réalités V3/77453 33tours.
* Lire cotte dans le sens du vêtement de travail
composé d'un pantalon
et d'un devant couvrant la poitrine. Pour cotillon qui signifiait
anciennement jupon, il faut prendre un des autres sens de cotte qui est
jupe courte plissée à la taille.
[Pages 14 à 17]
Un petit negro qu'etait pas bien gros
Un soir rencontra dans l'mètro
Une femme aux beaux yeux
A l'air plantureux
Il en devint vite amoureux
Le cœur plein d'emoi il lui dit ma foi j'ai l'beguin pour toi
Elle dit faut de l'argent pour être mon amand
Il repondit gaiement.
Refrain
Ah ! c'que tu veux tu l'auras ma Catharina
Mes chameaux mon gourbi
Ma descente de lit en poèl de mehari
Tout le fourbi mon ami
Ah ! t auras c'que j'ai d'plus beau en fait de cadeaux
J'te dnonerais toutes mes noix de coco ma guitare
Mon banjo et mes cordes a boyau
C'est beau.
Cette chanson comprend 3 couplets et un refrain évolutif.
[Pages 17 à 19]
1er Couplet
Quand je t'ai rencontrer t'etais tout bonnement
Employé dans un ministére
Je crois bien que tu gagnais douze cznts francs par an
T'avais pas l'air d'un millionnaire
Tu m'as dit je t'aime veut tu soi a moi
Pour vivre tout deux faudra pas grand'chose
Et dans mon petit lit tu seras comme chez toi
Nous y ferons tout de même de beaux rêves roses
Refrain
Un roman d'amour ça commence toujours
Par de belles promesses, un soir de printemp
Quand on a vingt ans on veut une maîtresse
Le cœur est griser, on est emballer, on la trouve jolie
Et dans un baiser on jure de l'aimer toute la vie
Cette chanson comprend 3 couplets et un refrain évolutif.
[Pages 19 à 21]
1er Couplet
Là haut sur la falaise dominant les flots noirs
Voyez Pierre et Thérèse perdu de desespoir
Ils s'aiment mais leurs mères ne veulent pas les unirs
Leurs cœurs se desesperent ils préfèrent mourrir
Refrain
Les pauvres enfants croyaient que leurs frères
Que leurs bons parents seraient des cléments
Oh baisers d'amands bonheurs éphemères
Que de cœurs aime vous avez briser
Cette chanson est composée de 4 couplets et refrain
évolutif.
[Page 21]
Hâtez vous belle étourdie de cueillir les roses du chemin
Les baisers se glaceront demain
Sur vos lèvres blèmies
L'automne un beau soir emporte
Au lointain notre rève flétri
Le printemp à jamais est fini
Quand les roses sont mortes.
Refrain
Tant que vous serez jolie
Ne le savez vous pas ma mie
On vous aimera, on vous fêtera
On fera pour vous mille folies
Mais aux neiges des annèes
L'orsque vous serez fanèe
De ce même amand qui vous adore eperdument
Malgre vos pleurs vous resterez abandonnèe
Cette chanson est composée de 2 couplets et un refrain.
Chanson de 1895, paroles de Georges Milandy, musique E. Schmalzer, interprète Dickson.
[Pages 22 à 24]
1er Couplet
Allons c'est y toi ma frangine
Ah ! Oui maintenant j'te reconnait
Pardon excuse t es si rupine
J'savais pas devant qui j'étais
Alors comme ça c'est des nouvelles
Que madame vient prendre en passant
Atend j'envais t en donner d'belles
Qu'tu pourrs dire à tes amands.
Refrain
Va t'en j'te connais plus
Sort d'ici ou sans ça j'cogne
Retourne dans la rue
Va faire ta besogne
Ici y a qu'des braves gens
Y'a pas d'place pour une coquine
Va t en retrouver tes amands
Tu n'est plus ma frangine
Cette chanson est composée de 4 couplets et un refrain répété 3 fois, puis un refrain final différent.
Nous avons pu
retrouver des détails historiques
évoqués dans cette chanson. Un article spécifique
lui est
cosacré.
La bas aux batignoles
On connait la mariolle
Une fille qui racole
Le soir sur l'trottoir
Le sourire sur la bouche
C'n'est pas une saintenitouche
Ils sont vieux et farouches
Ses deux grands yeux noirs
Refrain
Voila. Maria
La terreur des batignoles
Elles degringolent les passants
Tout les hommes pourtant
En raffolent
Voila Maria
La terreur des batignoles
En vendant du bonheur
Elle sème la terreur
La mariolle
Cette chanson est composée de 4 couplets, d'un refrain dont la répétition finale est différente.
[Pages 29 à31]
1er couplet
Voulant aider sa famille cherie
Un jour quittant l'Alsace son pays
Une fillette aimable et fort jolie
Pour travailler à Paris
Et pour trouver aussitôt de l'ouvrage
En arrivant dans la grande citèe
Elle se montra de suite un grand courage
Sans rèflèchir a sa frêle santé.
Refrain
A sa mère d'Alsace elle écrivait souvent
En maudissant l'audace de l'ignoble Allemand
Conserve l'espèrance mère au fond de ton cœur
Tu reverras la France le pays de l'honneur
Cette chanson est composée de couplets et d'un refrain qui évolue.
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Dernière modification : 2008-12-15 - 10:28:40
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