A la Croisée de l'Anjou, de la Touraine et du Poitou
L'Allumeur de réverbère
avant 1930
par Jean-Claude Raymond d'après des éléments recueillis par Fernande Germain
Table des matières
Place du Marché à Loudun
D'après une photographie
aimablement prêtée par M. Roudy
L'électricité est devenue aujourd'hui d'un usage si courant (sans jeu de mot) que ceux qui n'ont pas connu son absence n'imaginent même pas que cela ait pu exister sauf dans des temps très anciens.
Dans Loudun d'autrefois par Gérard Jubert comprenant 83 photographies, certaines d'entre elles montrent des réverbères à gaz de l'éclairage public. Les exemples les plus significatifs sont, dans ce livre, le lampadaire qui occupe le centre de la place Sainte-Croix, page 69. Elle est datée de 1905. Cette photographie est visible sur le site La France d'Autrefois qui présente des cartes postales de toute la France. Une seconde page 67 montre un réverbère près de la devanture du Grand Bazar. En 1905 à Loudun, l'éclairage public était encore au gaz de ville.
Aranei-Orbis rapporte deux histoires. L'allumage des lampes à gaz n'étant pas aussi facile que celui d'une ampoule, on n'éclairait que vraiment quand on en avait besoin comme le montre l'histoire Éclairage au gaz au collège Guy Chauvet. La seconde décrit une petite mise en scène dans l'une des premières maisons électrifiées sur la commune de Ceaux-en-Loudun : La Fée Électricité. Aujourd'hui, Aranei-Orbis décrit l'allumeur de réverbères à partir d'éléments fournis par Fernande Germain.
Contrairement
à ce qui se passe avec l'électricité où l'allumage de l'éclairage se
fait de manière centralisée et programmée, il ne pouvait en être de
même avec les réverbères à gaz. Il fallait une équipe d'ouvriers pour
allumer un à un les dits réverbères. À l'heure où la nuit tombe
l'équipe se répartissait dans la ville et chacun suivait
un itinéraire prévu. L'un d'entre eux s'appelait le Père Maurice. Il
était très grand et portait une blouse noire. Il arpentait les rues de
la ville armé d'un long bâton muni d'une griffe et au bout duquel se
trouvait une lampe à alcool. On imagine facilement que la lampe à
alcool devait servir à allumer le gaz. Mais à quoi servait la griffe ?
Elle permettait d'ouvrir le robinet du gaz. En effet, les robinets
étaient placés en hauteur hors de portée des enfants et des mauvais
plaisants qui auraient pu les manipuler de manière inconsidérée, voire
dangeureuse.
S'il
fallait allumer les réverbères à la tombée de la nuit, il fallait aussi
les éteindre ensuite. L'extinction se faisait à Loudun vers une heure
du matin. Les allumeurs de réverbères refaisaient le même circuit et
cela par tous les temps.
Le Bec de Gaz
J'ai revu au fond d'un jardin
(le réverbère sympathique
Qui pendant un siècle à Loudun,
Présida la place publique
Amis, souvenez-vous : le raz
De progrès superfantastique
Triompha de ce bec de gaz
A grands coups de tube électrique…
Comme on perpètre un attentat,
Dans la brume froide et austère
De l'hiver, on l'exécuta,
Ô victime incurable et chère !
II fut arraché, dépouillé
Aux décharges municipales,
Avec posthume kyrié
Cinq tournées au bistrot des halles.
C'est connu : le Français Moyen
Tempère de façon pareille
La joie, le deuil, le mal, le bien
Ci-devant la dive bouteille ;
Critique tout, accepte tout ;
Honnit comme il se passionne ;
Dit « crotte » à quelqu'un au mois d'août
Puis l'embrasse quand vient l'automne.
Quand le bec fut déboulonné,
La foule a crié : « Aux vandales! ».
…Ces colères vite ont tourné
En galéjades générales.
Car, au fond, chaque Loudunais,
Imbu de science moderne,
Vouait, pris aux atomes nés,
Mettre un neutron dans sa lanterne…
« Après tout, émirent certains,
II serait indigne et macabre
De défiler nus, cierge en mains,
Et pleurer comme un candélabre… »
Bref, à tort ou bien à raison,
Après l'émeute passagère,
Personne ne fit d'oraison
Sur la chute du réverbère.
Loin des yeux, donc loin des esprits,
Le pauvre, sous l'ordure brune,
Semblait voué, tel vils débris,
A bien misérable infortune.
Mais… chaque chose a son destin,
Et chaque destin ses mystères.
Il doit exister — c'est certain —
Un bon Dieu pour les réverbères :
Comment fut sauvé celui-ci
D'une fin ignoble et précoce ?
— Secret.… — Et par qui ? — Qu'importe qui…
Pierre. Paul ou Fée Carabosse…
Toujours est-il qu'un beau matin,
— Non, je n'en croyais pas ma vue —
II était là… dans un jardin,
Beau, droit, fier comme dans la rue...
C'était bien lui, en vérité,
Ce bec de gaz démocratique,
Témoin de la félicité
Des Loudunais en République...
Je le contemplais… quand, soudain,
Survint ce fait que je relate :
Un chien, là, au fond du jardin,
Au pied du bec… levait la patte !
…Je restai pensif et pantois :
Oui, l'harmonieuse Nature,
Dans la constance de ses lois,
Soulage toute créature…Hilaire Bouzon
in A quatre lieues de Rabelais
Publié avec l'autorisation de l'auteur.
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Dernière modification : 2008-01-09 - 16:49:38
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