A la Croisée de l'Anjou, de la Touraine et du Poitou

Éclairage au gaz au collège de Loudun
Un Visiteur arrivé à l'improviste
par Liger Le Grimaud

L'Éclairage au gaz au collège de Loudun

En fin octobre, les jours sont déjà cours. La période de rentrée scolaire n'est pas tout à fait terminée. Monsieur le Principal du collège Guy Chauvet à Loudun fait les derniers ajustements de l'emploi du temps. Tout serait pratiquement parfait s'il ne manquait un répétiteur. Il n'avait toujours pas reçu les résultats de sa démarche faite par courrier auprès de l'Académie. Il vérifie la date de l'envoi sur le journal du courrier départ. Déjà plus d'une semaine et toujours pas de réponse. Pas non plus de candidature spontanée comme cela se faisait quelques fois. Pourtant, l'Académie répondait vite à ses demandes, on savait à Poitiers qu'il était ami personnel du ministre de l'Instruction publique. À cette heure, M. le Principal est absorbé par ses tâches administratives.

Pendant ce temps-là, le concierge qui était en train de dîner est dérangé par la cloche du grand portail. Il se lève, prend son temps. De plus, il s'était mis à pleuvoir mais le concierge ne le savait pas encore. Après avoir maugréé contre cette visite tardive et par le grand portail. Il se ravise et retourne à la loge dont il ouvre la porte. «Qui c'est ?» demande sa femme. «Je ne sais pas, il pleut, je ne peux pas traverser la cour en pantoufles !» Après s'être chaussé, il cherche sa veste. «Où est ma veste lance-t-il avec un début d'agacement ?» «Sous le préau !» répond sa femme. Ses pas lents crissent sur le gravier. Après avoir enfilé sa veste, il se dirige toujours du même pas vers le grand portail. Les crissements lents se rapprochent du grand-portail qu'il faut déverrouiller. Le visiteur ne se manifeste toujours pas. Encore un jeune tout timide qui a perdu quelque chose pense le concierge. Dans le Loudunais, on dit débarrer la porte. En effet, une barre passée de part en part condamne la petite porte aménagée dans le grand portail. La porte s'entrebaille enfin. Une silhouette frêle apparaît sous la pluie.
« Qu'est-ce que c'est ? » demande la concierge.
« Je voudrais voir le Principal. »
« Mais vous n'y comptez pas, il fait déjà nuit. Et puis M. le Principal est peut-être déjà en train de dîner. »
« Oui, je l'imagine assez facilement. »
« Dites-moi ce que vous voulez, je peux peut-être m'arranger sans le déranger. »
« Je vous remercie, répond courtoisement le visiteur, mais ma visite est importante et mon affaire ne concerne que le Principal. »
« Bon, vous l'aurez voulu mais je ne sais si le M. le Principal va vouloir vous recevoir. Suivez-moi. »
Le visiteur emboîte le pas du concierge qui l'introduit dans la salle d'attente.
« Je vais prévenir M. le Principal. » dit-il sur un ton qui laisse entendre que le résultat de sa démarche n'était pas assuré. Il plante là le visiteur sans l'inviter à s'asseoir et sans prendre le soin d'allumer la lumière. En effet, il faut aller chercher un escabeau dans un réduit sous le grand escalier pour allumer le bec de gaz.

Le concierge frappe à la porte du bureau du principal qui répond par un « entrez !» sonore.
« Il y a quelqu'un qui veut vous voir. »
« Qui est-ce ? »
« Je ne sais pas M. le Principal, il n'a pas voulu donner son nom. Il a dit que sa visite était importante qu'il devait vous voir absolument et personnellement. Il a l'air jeune. Peut-être un représentant ?»
« Allons, pas à cette heure ! Il n'a rien ajouté ?»
« Non M. le Principal.»
« Où est-il ?» « Je l'ai mis dans le parloir. »
« Dites-lui que j'arrive. »
Le Principal poursuit la tâche en cours et tout-à-coup se rappelle le visiteur.

Il traverse le couloir, se précipite dans la salle d'attente. Il aperçoit dans la pénombre une silhouette élancée qui se lève et avant que le visiteur n'ait eu le temps de prononcer la moindre syllabe, le Principal a commencé son exposé :
« Bonjour mon jeune ami. Vous cherchez une place de répétiteur. Je n'ai pas été prévenu par l'Académie. Vous êtes nouveau probablement ? Le métier d'enseignant est un métier d'une importance capitale pour l'avenir d'un pays et je suis toujours heureux d'accueillir des jeunes gens qui se dirigent dans cette voie. Pensez à ces jeunes auxquels vous allez transmettre votre savoir. Vous verrez quand vous aurez mon âge et que vous reverrez certains de ceux qui furent vos élèves revenir vous disant les métiers et charges qu'ils occupent. C'est là que vous vous rendrez compte de la beauté et de la noblesse de notre tâche. Je devrais dire sacerdoce tant le métier est prenant. Mais quelles récompenses… En venant ici vous avez fait le bon choix car notre collège peut être considéré comme un modèle dans l'Académie. Les élèves y sont studieux et les résultats au-dessus de la moyenne ce qui n'empêche pas qu'il faut encadrer cette jeunesse. Il vous faudra faire preuve de qualités morales irréprochables et d'une haute disponibilité. De plus, je dois vous dire que vous avez une chance inouïe, j'ai fait une demande à l'Académie qui n'a toujours pas répondu. Je pense que vous connaissez les salaires et statuts de la fonction. Mais au fait quels sont exactement vos titres ?

La réponse fut surprenante : « Ministre de l'Instruction publique. »

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Les protagonistes de cette histoire

Invitation à l'inauguration de l'école de Crué, commune de Sammarçolles (France-Vienne)

  Carte de banquet d'inauguration

Cette anectote du ministre qui avait attendu une demi-heure dans le noir se répandit dans tout le collège. Elle me fut rapportée par mon père et mon oncle y furent élèves ensemble. Mon père devint ensuite surveillant au collège de Loudun avant de devenir professeur. Cette narration correspond à un épisode réel, les détails sont tels que je les ai entendus.

Les protagonistes de cette histoire sont M. Marius Ferran, principal du collège Guy Chauvet et M. François Albert, ministre pendant deux périodes. Marius Ferran devint principal du collège le 20-09-1925 (Source Journal de Loudun). Ces deux personnages apparaissent d'ailleurs dans la brochure L'École de Crué écrite par Hilaire Bouzon. Cent sept ans après une première fermeture, la maison d'école du Haut-Crué (commune de Sammarçolles) était inaugurée pour sa réouverture, sous la présidence de M. François Albert comme l'indique la carte de banquet publiée par Hilaire Bouzon. La mention Ministre de l'Instruction publique est absente.

Et ce fut aux éclats de la Fanfare du collège de Loudun dirigée par Victor Proust professeur de musique et de mathématiques (accompagnée de M. Marius Ferran principal) qu'un rassemblement énorme eut lieu devant les bâtiments d'une école neuve. Cette date mémorable : le huit mai mil neuf cent vingt-sept. Quel pavoisement !

Hilaire Bouzon

in L'École de Crué

Date de cette anecdote : entre 1922 et 1924

L'éléctrification de Loudun commence en 1926. On peut penser que le collège fut électrifié au cours de cette année. Je pense que cette anecdote se passe pendant que mon père était au collège où il est entré en 1922.

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Dernière modification : 2009-04-19 - 17:47:44

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