A la Croisée de l'Anjou, de la Touraine et du Poitou
Jeanne Belcier
Sœur Jeanne des Anges
par Jean-Claude Raymond
Table des matières
La fillette pour éviter une chute se démit l'épaule. Le dos fut également atteint. Elle restera donc avec une épaule plus haute quel'autre et le buste de travers. Sa mère pour camoufler cette difformité la cachait sous un voile. Vers l'âge de cinq ans, Jeanne fut envoyée à l'abbaye royale de Saintes où se trouvait une tante précoce montra des dons certains. Elle y étudia le latin. Elle se distinga par une mémoire précoce. Dès l'âge de six ans, elle connaissait l'office de la vierge et les sept psaumes. Pendant son séjour à l'abbaye, elle fut aimée de toutes les sœurs.
De retour dans sa famille, elle faisait à son père qui lui témoignait de l'affection de saintes lectures. Mais sa mère la cachait, alors qu'elle mettait en avant ses autres filles. Malgré cela, elle fut demandée en mariage. Son père accepta mais sa mère refusa. Le prétendant se retira chez les jésuites. Il semble qu'elle décida d'entrer dans les ordres à partir de ce moment. Lorsqu'elle fut l'objet d'une autre demande ses parents acceptèrent mais elle refusa et entre chez les Ursulines de Poitiers.
Mère supérieure au couvent des Ursulines à Loudun au moment de l'affaire des Possédées de Loudun qui mena Urbain Grandier à être brûlé vif en 1634.
Probablement influencé par son origine loudunaise Georges Albert Édouard Brutus Gilles de la Tourette (travaux sur le sytème nerveux et l'hystérie), avec le docteur Gabriel Legué, il proposa une analyse perspicace du récit de sœur Jeanne de Anges et de son hystérie induite par son amour non partagé pour le curé de Loudun, Urbain Grandier. Voir les ouvrages de Gilles de la Tourette concernant sœur Jreanne des Anges à la rubrique bibliographie.
Elle n’appartient pas à Loudun par la naissance, mais à cause de son long séjour et de sa mort dans notre ville, comme à cause de sa célébrité dans la malheureuse affaire des possessions, il est indispensable de lui donner une place dans cette galerie des personnages loudunais.Fille du baron de Coze en Saintonge, Louis de Belcier et de dame Charlotte de Gommart d’Eschillais, elle naquit au château de Coze, le 2 février 1602. Sa famille la plaça chez sa tante, prieure de l’abbaye de Saintes. Mademoiselle de Belcier resta peu de temps à Saintes ; son caractère bizarre et sa constitution maladive s’accommodaient fort mal du régime de l’abbaye.
Sa tante désespérant de dompter jamais cette mauvaise nature, la renvoya à ses parents. De retour au château paternel, dans sa quinzième année, elle causa de grands soucis à sa famille.
Elle se décida à prendre le voile chez les Ursulines de Poitiers, y fit un court noviciat et y prononça ses vœux perpétuels. Elle passa trois ans au couvent de Poitiers, s’il faut en croire ses mémoires, elle avait bien peu d’esprit religieux.
Elle intrigua pour être une des huit fondatrices du couvent fondé à Loudun, en 1626, et elle réussit à se faire agréer.
La première supérieure la prit en grande affection. Cette supérieure ayant quitté la maison de Loudun pour une autre destination, Madame de Belcier la remplaça. Autant elle avait été régulière par hypocrisie pendant une année, autant elle se donna de liberté quand elle fut devenue prieure.On parlait beaucoup à Loudun du curé de Saint-Pierre-du-Marché. Elle proposa à Grandier la direction du couvent. Celui-ci refusa, prétextant ses nombreuses occupations. Jamais donc Urbain Grandier n’avait eu de relations avec les Ursulines, lorsque commença la malheureuse affaire des possessions.
Le premier exorcisme public eut lieu le 17 octobre 1632, en présence d’un grand concours de peuple et de plusieurs médecins. Il s’agissait d’exorciser ce jour-là la supérieure Jeanne des Anges, qui se disait possédée par le démon Astaroth. Dès l’arrivée des magistrats et des autres témoins, elle entra dans des convulsions très violentes. Un dialogue s’engage entre l’exorciste et la possédée, organe du démon :
— Pour quelle raison es-tu entré dans le corps de cette fille (1).
— Pour cause d’animosité.
— Par quel pacte ?
— Par des fleurs.
— Lesquelles ?
— Des roses.
— Qui les a envoyées ?
— Urbain.
— Dis son autre nom.
— Grandier.
— Dis sa qualité.
— Prêtre.
— De quelle église ?
— De Saint-Pierre.
— Quelle personne a apporté ces fleurs ?
— Une personne diabolique.
Telles sont les réponses que l’esprit infernal fit entendre par la bouche de la supérieure des Ursulines.
Il serait trop long de citer en détail toutes les scènes de la possession, et d’ailleurs elles avaient toutes la même physionomie : convulsions spasmodiques, paroxysmes démoniaques et accusations constantes contre Urbain Grandier.
Il est important de noter que, hors de ses crises, la supérieure ne conservait aucun souvenir de ses accusations et n’avait plus conscience de ce qu’elle avait pu dire dans la possession.
Il arriva un jour qu’elle se mit en chemise, nu-tête, avec une corde au cou et un cierge à la main et demeura en cet état l’espace de deux heures au milieu de la cour du couvent, où il pleuvait en abondance ; et lorsque la porte du parloir fut ouverte, elle s’y jeta, se mit à genoux devant le sieur Laubardemont, lui déclarant qu’elle venait pour satisfaire à l’offense qu’elle avait commise en accusant l’innocent Grandier ; puis s’étant retirée, elle attacha la corde à un arbre du jardin, où elle se fût étranglée, si les autres sœurs n’étaient accourues (2).
Malheureusement cette rétractation et celles de deux autres religieuses n’eurent aucune influence sur l’esprit des juges, qui gardèrent leurs préventions contre Grandier.
Les possessions ne cessèrent pas après la mort de l’infortuné curé. Les exorcismes continuèrent jusqu’en 1638. Le 5 novembre 1635, le P. Surin, exorciste, ordonna au démon Léviathan de graver sur le front de la prieure une croix sanglante, comme signe de sa sortie finale. Le prodige fut accompli, à l’admiration de tous les spectateurs.
Le 29 novembre suivant, le démon Balam fut expulsé à son tour du corps de la même religieuse. L’exorciste lui commanda d’écrire sur la main de sa victime le nom de Joseph. Le 6 janvier 1636, nouvel exorciste de la prieure et expulsion d’un troisième diable, Issacaron, qui sortit, en laissant sur la main gauche le nom Maria.
Le lendemain, dans la nuit, la sœur Jeanne des Anges fut consolée par une vision. Peu après, elle tomba gravement . malade. Au moment où il semblait qu’elle allait mourir, elle fut guérie miraculeusement. Saint Joseph lui était apparu, tenant dans sa main une fiole d’un baume délicieux. C’était le remède qui l’avait guérie. On prétendit que cinq gouttes en demeurèrent visiblement imprégnées sur sa chemise et que celle-ci fut ensuite l’instrument de fréquentes guérisons.
Cependant, le démon Béhémoth possédait toujours la sœur Jeanne des Anges. Le 15 octobre 1637, le P. Surin résolut de l’expulser et y réussit. Il avait ordonné à Béhémoth d’écrire sur la main de la prieure ne nom de Jésus et celui de saint François de Sales, ce qui fut accompli. Ainsi prit fin la possession diabolique de la sœur Jeanne des Anges. D’autres religieuses furent guéries après elle, et l’on n’entendit plus parler de possession, cers le milieu de l’année 1638.
Laubardemont, qui était parent de la prieure, donna, en 1635, à sa communauté le collège des Protestants, situé rue de l’Abreuvoir.
Jeanne des Anges survécut à la possession de nombreuses années, entourée de la vénération universelle. Elle fut appelée à la cour, ou la reine voulut s’entretenir avec elle. Elle mourut le 29 janvier 1665, en grande réputation de piété (3) .
On découvrit, il y a quelques années, enfoui derrière les rayons poudreux de la bibliothèque d’une famille qui avait habité Loudun, un superbe manuscrit de 344 pages, divisé en 4 parties et 115 chapitres. Ce manuscrit, haut de 24 centimètres sur 22 de large, d’une ancienne et belle écriture, est intitulé : Histoire de la possession des religieuses Ursulines de Loudun, arrivée en l’année 1632 jusqu’en l’année 1638 – écrite par le R.P. Surin de la Compagnie de Jésus l’un des exorcistes de cette possession. Ce document historique a une grande importance, car il a été écrit par un témoin du fait. Chacun sait, en effet, que le R.P. Surin fut chargé par le roi Louis XIII d’exorciser la supérieure des Ursulines, Mère Marie des Anges. Le livre est richement relié avec dorures au petit fer,
Histoire abrégée de la possession des Ursulines de Loudun et des peines du P.Surin. Ouvrage inédit faisant suite à ses œuvres. Paris, 1828, in-12.
in Loudun
Notes
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Dernière modification : 2008-07-25 - 14:10:19
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