A la Croisée de l'Anjou, de la Touraine et du Poitou
Mouterre-Silly
près de Loudun (Vienne)
par Jean-Claude Raymond
Table des matières
Cette commune est la plus étendue du canton [le livre de Robuchon a été publié en 1890] et mesure 3 090 hectares habités par 867 habitants, répartis dans divers hameaux : Chasseigne, ancienne paroisse, Bauçay, Nué, Niré-des-Landes, Silly, Preuilly, Inçay, Lavaux, Les Vaux-Sainte-Marie, La Fuye. Mouterre, construit primitivement au pied du coteau, a été réédifié à la suite des guerres qui ensanglantèrent les temps mérovingiens sur la crête de cette colline ; le lieu dit Sous-la- Ville renferme encore de nombreuses substructions gallo-romaines qui attendent un archéologue pour les ressusciter ; beaucoup d’objets de cette époque ont été trouvés dans les champs environnants. La villa construite en cet endroit était habitée au IIIeme siècle par une riche famille de patriciens, qui donna naissance à quatre illustres personnages : saint Maximin, saint Maixent, saint Jouin et sainte Maxima. Maximin, évêque de Trèves, mourut le 12 septembre 347 et fut inhumé dans le praedium de la villa paternelle ; sur son sépulcre, bientôt visité par les pélerins, s’éleva un monastère qui donna son nom au village (monasterium Sille).
L’église construite sur le sépulcre de Maximin a été réédifiée au Xieme siècle. Sous le chœur existe une crypte découverte en 1709 par le curé Lemaye, qui trouva à l’intérieur des tombeaux un cœur en plomb portant l’inscription suivante : Cœur de René Mesmin, escuyer, seigneur de Sille… dans sa paroisse de Mouterre le premier jour de septembre 1654. Il la fit refermer et depuis elle n’a pas été rouverte. L’église a été saccagée et ruinée par une bande de protestant, un dimanche de mai 1599. Réparée quelque temps après, une partie des voûtes s’écroula encore vers 1670 ; ce ne fut qu’en 1700 que les habitants firent commencer les travaux.
Une chapelle dite de Notre-Dame des Richards avait été fondée dans cette église le 16 janvier 1530 pour Pierre Richard, curé de Mouterre, qui avait donné à cette fin sa maison de la Grollière ; le présentateur était le procureur de la fabrique ; le chapelain devait une messe tous les samedis. Un titre de 1498 mentionne une maison joignant aux douves de la forteresse de Mouterre ; ce monument est entièrement disparu.
Le Bas-Silli.- Au commencement du XIVeme siècle, cet hôtel appartenait à Philippe de Mottejean qui épousa Robert Frettard, chambellan du roi Philippe. Leur fils Robert se distingua dans les gueres contre les Anglais, où il fut « pris par deux fois par des ennemis du royaume, blessiés et navré moult durement et en plusieurs parties de son corps et pour ce mis à renson de 11m francs ». Pour se racheter, il dut vendre à Pierre du Saut son hôtel du Bas-Silly ; mais dans la suite les enfants de ce dernier étant passés aux Anglais, le roi confisqua leurs biens et restitua à Robert Frettard l’hôtel du Bas-Silly par lettres de mai 1369 [un autre Frétard, Huguet Frétard de Curzay s'illustre dans la légende de la Bête de Coulaine sur le territoire de Mouterre-Silly]. Noble homme Jehan Gorin était seigneur de Sille en 1476-1484 ; de 1608 à 1715 ce fief fut possédé par la famille Mesmin ; Catherine-Thérèse Mesmin de Silly le vendit le 20 février 1715 à Thomas Dreux, baron de Berrie.
Nué .- Anciennement Nueil-sous-Bauçay, maison noble relevant de Loudun ; possédée en 1483 par Alof de l’Hospital ; en 1610 par d’Armagnac ; en 1448, Gilles Clerambault était homme de foi du seigneur de Berrie à cause de sa dîme de Nueil-sous-Baussay.
Bauçay.- Cette localité, qui était autrefois le siège d’une baronnie, est aujourd’hui un hameau de peu d’importance ; le château a été détruit il y a environ quatre siècles ; il appartenait à l’origine à l’une des plus anciennes familles du pays ; ce fut Hugues I, seigneur de Bauçay, qui en 1060 donna aux Bénédictins de Tournus les trois églises de Saint-Pierre du Martray, Sainte-Croix et Saint-Jean ; son fils Hugues II fut inhumé dans le couvent de Guesnes qu’il avait enrichi de ses dons ; Hugues IV, dit le Grand, petit-fils du précédent, guerroya en Palestine et établit à Loudun un couvent de Cordeliers ; avec son frère Gui il fut tué par les Sarrazins, comme le racontent les Grandes Chroniques de Saint-Denis :
« Une journée advint que les Sarrasins approchèrent bien près des chrétiens, et leur jetèrent, souvent et menu, dards et javelos, et en navrèrent aucuns. Pour cette chose s’émurent aucuns nobles chevaliers, comme Guy de Baussay et Hue, son frère, et aucuns bons combattants et se férirent ès Sarrasins ; et Sarrasins, sus d’un agait où ils estoient muciés ; ils ne purent être secourus, car quand la noise fut commencée et ceux de l’ost le surent, ils coururent aux armes pour eux aider et sortirent hors et passèrent les fossés qui estoient entre eux et les Sarrasins. Soudainement un vent se leva grand et horrible avec grands tourbillons qui leva le sablon et la poudre contremont en l’air, et frappa les Français parmi les yeux et les aveugloit tous, si bien que ils ne savoient chemin tenir. Quand les Sarrasins virent le vent estre contraire, ils prirent pelles et autres instruments et levèrent le sablon contremont pour mieux aveugler et empêcher les Français ; si que à cette journée ils ne purent rien faire, mais retournèrent dolents et courroucés, parce qu’ils ne purent secourir Hue de Baussay et ses compagnons. »De N. Odart, il avait eu Hugues V et Hardouin I, seigneur de la Motte de Bauçay. Hugues VI de Bauçay est le dernier représentant de la branche aînée ; il mourut après 1318, ayant eu de Marie d’Archiac, Jeanne de Bauçai, mariée : 1° Geoffroy de Beaumont, chambellan du roi ; 2° Charles d’Artois, comte de Pesenas, prince du sang royal ; leur fils unique, Henri-Louis d’Artois, décédé dans son jeune âge, fut inhumé avec sa mère dans le couvent des Cordeliers, fondé par son aîeul. La seigneurie de Bauçay, après leur mort, passa aux descendantes de Hardouin I : Jeanne, mariée à Guillaume des Préz, et Marie de Bauçay ; Olivier des Préz, fils de Guillaume, épousa Jeanne d’Usage, et n’ayant point eu d’enfants lui fit don de tous ces acquêts et de la tierce partie de ses propres. Ce fut l’occasion d’un grand procès, qui dura quarante ans, entre Hardouin de Maillé, héritier d’Olivier des Préz, et Jean de Rochechouart, héritier de Jeanne d’Usage, procès tranché par un arrêt du Parlement de 1459 qui divisa la châtellenie de Bauçay en deux parties inégales : les deux tiers furent dévolus à Jean de Rochechouart et l’autre tiers à Hardouin de Maillé.
Le 4 avril 1448, Hardouin de Maillé rendait aveu au roi pour la totalité du fief de Bauçay tenu à foi et hommage-lige à 40 jours de chevauchée « moy tiers hommes d’armes » ; il avouait son chastel de Bauçay, une fuie déchue, fondue et non publiée par défaut de guerres, la dîme de Niorteau, les étangs qui sont entre Loudun et Bauçay, le droit de faire trogner et couper par ses sergents et officiers « les oulmeaux assis es quarrefours de la baronnie de Lodun ». Ses vassaux étaient Louis de Beaumont, à cause de sa femme, pour sa seigneurie de Claunay, Gui de la Touche et Pierre de Brouillard pour leur hôtel de la Grange, Marie de Chasteaux pour Checine, Mathurine de Sazilly, veuve de Blain Sazay, pour partie de l’hôtel de Buzay à Aulnay, Jean Marteau pour sa dîme de Roeffé et son hôtel de Brizay ; Jean Charton , à cause de sa femme, pour l’hébergement de la Chaussée, Jean d’Asnières pour sa dîme de Lyon, Guillaume de Bascle pour le fief des Trois Seigneuries, Jehan Blanchet pour son hôtel de Chaumont,etc.
Les deux tiers de cette seigneurie furent possédés par les familles de Baternay, de la Châtre, du Blet, de Richelieu et Dujon ; l’autre tiers appartint aux de Castilio, de Rance, de Chezelles, Roussel, Mauclerc, Leaud de Lignières et de Menou : ; [sic] le 15 juillet 1785 , Philippe-François-Denis de Menou de Genilly seigneur baron du tiers de Bauçay, chevalier non profès de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, vendit à Gabriel-François-Jacques Dujon, seigneur des deux tiers de Bauçay, la tierce partie de cette baronnie. Les deux parts de Bauçay se trouvèrent ainsi réunies après avoir été séparées pendant plus de trois siècles.
La juridiction de cette baronnie, appelée « la plus noble en Lodunois » s’étendait sur cinq paroisses ; elle était exercée par un sénéchal, un procureur fiscal et un greffier. Nous avons dit plus haut qu’un temple protestant avait été établi à Baussay vers 1560.
Les seigneurs de cette terre, qui prétendaiient avoir été à l’origine seigneurs de Loudun, se disaient fondateurs des églises paroissiales de note ville, prétention qui, au XVIIIeme siècle, souleva une série de conflits ; particulièrement en 1775, où les seigneur et dame de Bauçay avaient pris dans l’inscription d’une cloche la qualité de « seigneur et dame des paroisses de Saint-Pierre du Marché et du Martray » qualité qui, au dire des habitants n’appartenait qu’au roi.
Chapelle de Sainte-Anne et Saint-Jean de Bauçay.- L’an 1375, Jeanne de Bauçay fonda dans son château une chapelle dédiée à Sainte Anne, à qui elle donna 25 livres de rente ; le 7 février 1384, elle amortit cette rente et donna à sa place une dîme et un hébergement à Germier qui devaient appartenir à Pierre de la Chaussée ; vers 1400 , elle confirma sa donation et fonda une nouvelle chapelle en l’honneur de saint Jean. Lors du partage de la châtellenie de Bauçay, il fut stipulé que le droit de présentation appartiendrait deux fois sur trois au seigneur des deux tiers, et la troisième fois au seigneur de la tierce partie ; mais, dans la suite cet ordre ne fut pas suivi et les chapelles furent usurpées par les chanoines de Maillé qui étaient à la dévotion du seigneur des deux tiers. La dévolution primitive ne fut rétablie qu’à la fin du XVIeme siècle ; le 28 avril 1588, Jean Briault, bailli, faisait à ce sujet une information à la requête de Gui Chauvet, avocat en Parlement, pourvu de ces chapelles ; il y est dit entre autres que tous les titres de fondation avaient été pillés et brûlés en 1568 par les gens de guerre.
Bois-Preuilly, anciennement Bois-Marmande.- Était possédé en 1404 par Louis Thoreau, écuyer ; en 118, il appartenait à Ymbert de Batarnay, connu dans l’histoire sous le nom de M. du Bouchage, successivement conseiller de Louis XI, Charles VIII, Louis XII et François Ier ; à diverses reprises, Louis XI lui confia des missions importantes. Ce fief était tenu en 1591 par Françoise de la Faiette, veuve de Gui de Daillon, seigneur du Lude ; en 1606, par Jean de Chourses ; en 1613, par Marc-Anoine Mareau, sieur de Boisguérin, gouverneur de Loudun ; au XVIIeme siècle, il passa à la famille Avril, puis aux Leaud de Lignières ; le seigneur de Bois-Preuilly percevait à l’entrée de la ville un droit de péage qui est détaillé dans une pancarte imprimée en 1607.
Chasseigne.- L’église de cette localité a été donnée en septembre 989 par Guillaume Fier-à-Bras, comte de Poitou, au monastère de Bourgueil ; suivant une déclaration fournie au roi le 7 février 1547 par le curé Léonard de La Chapelle, celui-ci était tenu de dire deux messes basses par semaine et une grand’messe les dimanches et fêtes ; il devait aussi fournir un cierge tous les dimanches et « les quatre cloches de coulée pour sonner auxdits servisses. » Le 13 janvier de la même année, Charles de Cellerin, alias de Laval, prieur de Chasseigne, rendait une déclaration pour son prieuré ; il devait trois messes par semaine et le service dans l’église de Saint-Mandé, « plus suis tenu donner à disner tant les vigiles desdictes festes ( Pâques, Pentecôte, Toussaint et Noël) que le jour d’icelles au curé de la paroisse ,et leur clergé, ensemble aux secrétains de ladicte esglize. » Ce prieuré appartenait avec l’église de Notre-Dame à l’abbaye de Bourgueil dès l’an 1003.
Le fief de Chasseigne était tenu en 1370 par Perrot Boyvin, qui, le 29 novembre, recevait une donation de Pierre Françoys, seigneur de Tillé ; en 1613-1630, il était possédé par la famille du Rivau, puis il passa à Jacques de Thibault, conseiller et maître d’hôtel du roi, qui joua un rôle actif dans le procès d’Urbain Grandier, qu’il avait un jour souffleté au cours d’une cérémonie religieuse.
Saint-Mandé.- A gauche de la route de Ternay, avant d’arriver au Petit-Inçay, on remarque quelques murs ruinés, derniers vestiges de la chapelle de Saint-Mandé ; ces murs sont couverts depuis la base jusqu’au sommet de dessins énigmatiques, où l’on remarque surtout un grand nombre de croix, quelques-unes fort bien gravées ; Saint-Mandé étant autrefois un lieu d’assemblée fort couru, il doit y avoir une relation entre ces dessins et les pélerinages qu’on faisait autrefois dans cet endroit ; une sentence du bailli de Loudun du 16 novembre 1665 maintint le prieur de Chasseigne dans le droit qu’il avait de dire les évangiles à Saint-Mandé, droit qui lui était contesté par le curé de Chasseigne.
La Fuye.- Ce château est une massive construction carrée flanquée de tours aux angles et entourée d’eau. L’aile gauche porte la date 1710 et l’aile droite la date 1572 ; un écusson chargé de 3 merlettes est fréquemment répété sur les lucarnes ; ce fief était possédé au XVeme siècle par Huet Bureau, dont la fille Jeanne épousa en 1463 Jean d’Availloles ; en 1533, le seigneur de la Fuye était Georges de Razilly ; de 1559 à 1591 ce fief appartenait à la famille de Leignes ; suivant un aveu sans date rendu à Jeanne de Montmorency, veuve de Louis de la Trémoille, par François de Leignes, alias de Leines, écuyer, seigneur de la Fuye, gentilhomme de la maison du roi, celui-ci reconnaissait tenir de la dame de Berrie à foi et hommage simple à un roussin de service à nuance d’homme « ma maison et place forte de la Fuye et ses appartenances, hébergement, fuye, garenne, pont-levis, jardin, humelage, cloux de vigne, mollin et appartenances de ma dicte maison noble de la Fuye près Chasseigne » ; il avait haute, moyenne et basse justice et avait droit d’avoir « pour la punition et correction de ses sujets pousteau, chenettes et coliers ».
Cette seigneurie fut vendue le 18 avril 1591 par François de Leignes à Léonard Langlois, sieur de Bel-Estat, gentilhomme servant de la reine mère du roi ; celui-ci fut assassiné à Oiron, le mercredi 7 décembre 1605 ; c’était probablement le fils de Pierre Langlois, sieur de Bel-Estat, auteur de travaux archéologiques fort goûtés autrefois. Au XVIIIeme siècle elle appartenait à la famille de Bussy. Dans cette commune se trouvaient les fiefs de Niré, Coulaine [légende de la bête de Coulaine] , Inçay, Les Vaux, la Ronde, anciennement La Rotonde, qui a été possédée par le fameux médecin Jean Coitard ; cette terre appartient à la famille Moreau depuis 1781.
Robuchon
in Paysages et monuments du Poitou
En souvenir des 300 habitants d'Audun-le-Tiche repliés à Mouterre-Silly au début de la Seconde Guerre, une rue à Beaussais à été baptisée Audun-le-Tiche, en 2010-09 (Source La Nouvelle République du 2010-09-15).
Voir l'article 70e anniversaire de l'arrivée des réfugiés lorrains dans le Loudunais en 1939.
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Dernière modification : 2010-08-16 - 09:29:07
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