A la Croisée de l'Anjou, de la Touraine et du Poitou
Ismaël Boulliau
Éloge par Louis Cousin
par Jean-Claude Raymond
Table des matières
Le texte présenté ci-dessous est extrait du tome 23 de Journal des sçavans, édité à Amsterdam entre 1695 et 1696, pages 110-126. Ne s'agissant pas d'un texte littéraire, il a été adapté en français moderne.
On regrette que cet éloge ne porte que sur les questions religieuses traitées par Ismaël Boulliau, alors que son travail scientifique fut également de première valeur. Mais Louis Cousin était spécialiste de l'histoire bysantine.
Notre siècle tout fertile qu'il est en gens de lettres, en a peu produit qui aient réuni autant de qualité différentes qu'en avait M. Boulliau. La nature lui avait donné un corps robuste et propre au travail, un esprit vif, une mémoire heureuse, un jugement solide, et un désir ardent de savoir. Il lui fut aisé de réussir par le bon usage qu'il fit de ces avantages, et par le soin qu'il prit de cultiver ses talents.
Il naquit à Loudun le 28. Sept. 1605. de parents qui l'élevèrent dans la religion protestante où le malheur du temps les avait eux-mêmes engagés. Il y renonça aussitôt…
qu'il en put reconnaître les erreurs, et en fit abjuration solennelle à âge de vint et un ans. A vint-cinq ans il fut promu à l'Ordre de Prêtrise.
Il apprit les Humanités dans le lieu de sa naissance, la philosophie à Paris, et le droit à Poitiers. Au sortir des Ècoles, devenu capable d'entrer dans le secret des sciences, il s'appliqua fortement aux mathématiques, à la théologie, à l'Historie sacrée et profane. Rien ne prouve mieux le progrès qu'il y fit que les ouvrages qu'il nous a laissés.
En 1638, il fit imprimer in 8 un traité De natura lucis. M. de la Chambre le père de M. Petit, tous deux médecins, ayant écrit longtemps depuis l'un contre l'autre sur le même sujet, je me souviens d'avoir oui dire à M. Boulliau qu'il s'étonnait que sans savoir l'optique ils osassent se mêler de parler de lumière.
L'année suivante, il publia à Amsterdam in 4 son Philolaus, ou ses dissertations De vero systemate mundi.
Ses études ne se bornaient pas alors aux seules mathématiques, puisqu'en 1640 il composa une dissertation sur saint Benigne, quoi qu'il ne l'ait fait imprimer que dix-sept ans après in 8° par Cramoisi. C'est une critique de la chronique de saint Benigne de Dijon, inserée en 1655 par le P. Dom Luc d'Acheri dans le premier tome de son recueil d'anciennes pièces.
L'auteur de cette chronique qui vivait sous les règnes de Robert et de Henri Premier, écrit qu'en 195 dans la troisième indiction sous le règne de l'empereur Sévère, Benigne serviteur de Dieu, fut envoyé avec les Compagnons dans les Gaules pour y prêcher l'Évangile : que cette mission se fit par l'avis et par l'autorité de saint Policarpe métropolitain d'Asie, suivant le conseil de saint Irenée qui lui était apparu peu de jours après son martyre.
M. Boulliau découvre sans peine les contradictions qui se rencontrent dans ce récit. Au temps de l'empereur Sévère, on ne parlait pas encore d'indictions, puis qu'elles ne furent instituées que par Constantin en 312. Ce qui justifie que ce qui a été écrit touchant la mission de saint Benigne, a été copié sur quelque ouvrage composé en un temps où l'on comtait les années par indictions.
Le titre de métropolitain d'Asie donné à saint Policarpe, était alors inconnu, et les métropoles n'étaient pas encore établies comme elles l'ont été depuis.
Saint Irené n'a pu apparaître à saint Policarpe depuis son martyre, puisque saint Policarpe bien loin de lui avoir survécu, était mort trente six ans avant lui.
Ce que l'auteur de la chronique avance touchant le temps du martyre de saint Benigne qu'il fixe à l'année 224 sous l'empire d'Aurélius ne peut être soutenu pour…
plusieurs raisons. Car outre que les Gaules n'ont vu de martyrs que plus tard, il est certain qu'Aurélius était mort lui-même deux ans auparavant, et ainsi saint Benigne n'a point soufert en 224. par son ordre, et surtout dans les Gaules où Aurélius n'est jamais venu, ayant passé presque tout le temps de son empire ou à Rome ou à Nicomédie.
Quant à la mission de saint Benigne, il est vrai qu'elle est attribuée à saint Policarpe, par Bède, par Usuard, et par le martyrologue romain. Ce qui n'empêche pas M. Boulliau d'en douter, parce qu'il ne trouve rien de certain dans l'antiquité ni de sa vie ni de sa mort. Il a peine même à se persuader que saint Irenée ait été envoyé par saint Policarpe, quoi que Grégoire de Tours l'assure positivement.
Son doute est fondé sur ce qu'Eusèbe ne le dit point, sur ce que l'épître des églises de Vienne et de Lyon ne le porte point non plus, et que tout ce qui s'en peut conclure est que quelques chrétiens d'Asie étaient venus dans les Gaules.
Mais son principal fondement est que si saint Irenée avait été envoyé dans les Gaules par saint Policarpe, il y aurait célébré la fête de Pâque le même jour que saint Policarpe la célébrait en Asie, et non le même jour que le pape Victor la célébrait à Rome.
En 1644. M. Boulliau traduisit en Latin…
Théon de Smyrne philosophe platonicien, l'illustra de ses notes, le dédia à M. de Thou président en la première Chambre des Enquêtes, de la bibliotèque duquel il avait tiré le manuscrit, et le fit imprimer à Paris in 4°.
L'année suivante il publia dans la même ville un grand ouvrage in folio sous ce titre: Astrologia Philolaica. Opus Novum, in quo motus planetarum per novam et veram hypothesim demonstrantur, cum tabulis facillimis.
Quatre ans après il composa un traité en faveur des églises de Portugal, qui depuis que ce royaume avait secoué le joug de la domination espagnole, demeuraient dépourvues d'évêques par le refus que le pape faisait de donner des bulles à ceux qui avaient été nommés par le Roi Jean Quatrième.
Avant que de décider la question, et de juger ce que le roi devait faire pour prévenir les désordres où le défaut d'évêques pouvait jeter ses états, il rapporte les différentes manières dont l'église catholique s'est fervie selon les temps pour se pourvoir de pasteurs. Il remarque qu'aux premiers siècles le clergé et le peuple les élisait; que depuis que les empereurs eurent embrassé la religion chrétienne, ils s'attribuèrent une grande autorité sur la discipline de l'église, comme Socrate la témoigne au 5e livre de son histoire ; que dans la suite ils usurpèrent…
le droit d'élire les évêques nonobstant la résistance du clergé, et que les paléologues étaient dans cette possession lors que les Turcs se rendirent maîtres de Constantinople.
Les conciles de France et d'Espagne nous apprennent que les élections des évêques ont été faites plus longtemps en Occident qu'en Orient par le clergé et par le peuple. Adrien donna à Charlemagne et à ses successeurs le droit d'élire et de confirmer le pape.
Le P. Sirmond explique fort bien dans la belle préface qu'il a mise à la tête de l'appendice du second volume de ses conciles de France, comment nos rois se rendirent maîtres des élections, dans la croyance qu'il était de leur intérêt de ne souffrir à la tête du clergé que des sujets d'une fidelité reconnue.
En Espagne le douzième concile de Tolède changea par son sixième canon l'usage qui avait été observé jusqu'alors. Voici les termes. Placuit omnibus Pontificibus Hispania ut salvo privilegia uniuseu-jusque provinciæ, licitum maneat deinceps Toletano Pontifici, quoscunque regalis potestas elegerit, et jam dicti Toletani Episcopi judicio dignos esse probaverit, in quibuslibet provinciis in præcedentium sedibus præficere præsules, et decedentibus Episcopis deligere successores.
L'invasion des Arabes ne priva pas les…
rois d'Espague de ce droit: mais l'usurpation des papes commença vers le commencement du douzième siècle à leur ôter la liberté d'en jouir jusqu'à ce qu'enfin ces deux puissances s'accordèrent à condition que le roi nommerait aux évêchés, et que le pape pourvoirait les nommés.
De tout ce discours M. Boulliau conclut que le pape et les rois d'Espagne et de Portugal sont légitimes possesseurs du droit qu'ils ont dans l'institution des évêques, parce qu'ils ne l'ont aquis que du consentement au moins tacite du clergé et du peuple auquel il appartenait; et cela supposé, il donne son avis à peu prés de cette sorte : après que le roi Jean IV a supplié depuis huit ans Urbain VIII et Innocent X de donner des bulles aux évêques nommés, il peut les faire sacrer par les métropolitains ; et comme les papes ont autrefois prétendu que le pouvoir d'établir des évêques dans les sièges vacants leur était dévolu par la négligence des princes qui avaient manqué d'y pourvoir, il rentrera légitimement dans son droit par une pareille négligence des papes. En cela il ne blessera en rien le respect qu'il porte au saint Siège, et il sera toujours disposé aussi bien que les évêques sacrés par les métropolitains, à lui demander la confirmation, et à recevoir des bulles.
Outre ce traité que M. Boulliau composa le dernier mois de l'année 1649 pour les…
églises de Portugal, il en fit un autre au mois de mars de l'annee 1651 sous le nom du roi Jean IV pour demander au clergé de France son conseil et sa médiation envers le saint Siège. Il y déplore le triste état des églises du Portugal, et s'y plaint en très forts termes de la dureté des papes qui les abandonnaient dans les plus pressants besoins pour favoriser les prétentions ambitieuses du roi catholique qui usait de toute forte d'artifices et de violences pour usurper une seconde fois une couronne qui lui avait été enlevée justement.
Il leur remontre que les anciens papes n'en avaient pas usé de la même sorte lorsque des nations barbares avaient envahi l'Espagne, et quils avaient toujours entretenu correspondance avec les évêques, et maintenu la discipline des églises qui gémissaient sous une domination étrangère. Plusieurs autres exemples qu'il allègue justifient que quand des princes ont eu des droits ou des prétensions sur des villes et sur des provinces, le saint Siège sans entrer dans le fond de leurs différends temporels a reconnu pour souverain celui qui était en possession. Prudente et sage précaution qui a conservé l'unité de l'église, et prévenu les divisions et les schismes qui auraient pu être excités par des usurpateurs, ou même par des seigneurs légitimes, si les papes les avaient traités autrement. En donnant des évêques aux villes et aux provinces…
usurpées, ils n'autorisaient point l'usurpation, non plus que les papes d'aujourd'hui n'autorisent point la domination otomane, quand ils en donnent aux états qui relevent d'elle. Ces raisons proposées sous le nom de Jean IV parurent convaincantes à tous les savants de l'Europe : mais elles ne prévalurent pas sur les intrigues de la cour d'Espagne. Toute la récompense que M. Boulliau remporta de son travail fut de voir ses avis rejetés par ceux dont il soutenait les droits, et ses sentimens condannés par le saint Office, auquel ils s'étaient servilement assujetis.
Ces deux pièces en faveur des églises de Portugal ne furent imprimées qu'en 1656 à Strasbourg in 8° par les soins de M. Portenere ami de M. Boulliau, qui pour grossir le volume mit à la fin une dissertation De populis fundis, que le même M. Boulliau avait faite en 1651 à l'occasion d'une remarque de M. Rigault conseiller au parlement de Mets, à laquelle il trouva de la difficulté. La dissertation roule sur une question de l'ancien droit romain agitée par Cicéron dans l'oraison Pro Cornelio Balbo.
Ce Balbus était un Citoyen de Cadix, qui avait été fait citoyen de Rome par Pompée. Son accusateur prétendait qu'étant né à Cadix il n'avait pu devenir citoyen romain, parce que nul ne pouvait aquérir ce droit qu'il ne fût d'un peuple
allié des Romains, et qui eût été fait Populus fundus. Cicéron se moque de l'ignorance de l'accusateur, et nie que pour faire qu'un particulier né parmi un peuple allié des Romains pusse devenir citoyen romain, il soit nécessaire que ce peuple-là ait été fait Populus fundus. Il explique ensuite ce que c'est que Populus fundus. Totum hoc, Judices, in ea fuit positum semper ratione atque sententia, ut cum jussisset Populus Romanus aliquid, si id adsciscissent socit populi ac Latini, et si ea lex quam nos haberemus, eadem in populo aliquo tanquam in fundo resedisset, ut tum lege eadum is populus teneretur, non ut de nostro jure aliquid minueretur, sed ut illi populi aut jure eo quod à nobis esset constitutum, aut aliquo commodo, aut beneficio uterentur.
Selon cette jurisprudence un peuple pour devenir populus fundus devait renoncer à ses lois, et se soumettre à celles des Romains. Cela regardait tout ce peuple. Pour devenir citoyen romain il suffisait qu'un particulier renonçât à la ville dont il était, et fût reçu dans celle de Rome. Car par le droit civil des Romains nul ne pouvait être tout ensemble citoyen de deux villes : au lieu que chacun le pouvait être de plusieurs villes selon les lois et les coutumes de la plupart des républiques de Grèce. Sur quoi Cicéron s'écrie: O jura præclara, ne quis invitus civitate mutetur, neve in civitate manent invitus!
Hæc sunt enim fundamenta firmissima nostra libertatis, sui quemque jures et retinendi et dimittendi esse dominum.... Illud vero sine ulla dubitatione maxime nostrum fundavit Imperium, et populi Romani nomen auxit, quod princeps ille creator hujus urbis Romulus fœdere Sabino doeuit etiam hostibus recipiendis augeri hanc civitatem oportere.
M. Boulliau examine ensuite la remarque de M. Rigault, et rend raison de ce qu'il s'éloigne de son sentiment.
En la même année en laquelle il composa le premier écrit pour les églises de Portugal, à savoir en 1649, il fit imprimer au Louvre l'histoire de Ducas en Grec avec sa version Latine et ses notes, et la dédia au cardinal Mazarin. Il se servit pour cet effet du manuscrit de la bibliotèque du roi. L'avertissement qui est à la tête de la traduction française que j'en donnai au public il y a plus de vint ans dans le 7e tome de mon histoire de Constantinople, contient si je ne me trompe, en peu de paroles ce qui se peut dire de plus remarquable touchant la personne de cet historien. Il a écrit ce qui s'est passé sous les empereurs Jean Manuel, Jean, et Constantin paléologues jusqu'à la prise de leur ville capitale, et à la ruine de leur puissance. Son ouvrage est plus étendu que celui de Calcondile, et est d'ailleurs conduit avec plus de jugement.
En 1657, M. Boulliau fit imprimer à Paris in 4° un traité de Lineis Spiralibus, et le dédia à M. le Duc de Verneuil. Après avoir lu plusieurs fois le traité d'Archimède sur le même sujet, il douta toujours s'il avait bien compris la pensée de ce grand mathématicien, et chercha de nouvelles démonstrations pour sa propre satisfaction, et pour le soulagement de ceux à qui celles d'Archimède paraissaient longues, indirectes, et obscures, et a cru rendre par là le théoréme plus intelligible.
En 1663, il publiar en un même volume un traité grec de Ptolomée, avec une version Latine De judicandi facultate et animi principatu.
Quelque temps après il publia un grand ouvrage in folio intitulé Ismaëlis Bullialdi opus novum ad Arithmeticam infinitorum, libris sex compréhensum, in quo plura à nullis hactenus edita demonstrantur.
Outre ces ouvrages que M. Boulliau a donnés au public, il en a composé plusieurs autres qui sont demeurés dans son cabinet. Il y a plus de trente ans qu'il fit un traité sur la Pâque des juifs.
Dans les années 1661 et 1662, M. Toinard s'étant fortement appliqué à la question de la dernière Pâque dont il est parlé dans les évangiles, se persuada par l'explication qu'il trouva de ce que c'est que Parare Pascha, que Jésus-Christ ne l'avait point faite. Il crut aussi que Jésus-Christ étant…
Il en déduisit, que puisque le rapport de l'apparition de la nouvele lune se devait faire à Jérusalem, au tribunal appelé Beth din, ou Maison du jugement, par ceux qui l'avaient vue à la campagne, que ce rapport n'avait pu être fait pour le plutôt qu'au matin du samedi suivant, qui était le 21 Mars. Iil était necessaire que le premier jour du premier mois juif, appelé Nisan, n'eût commencé en cette 33e année-là qu'au soleil couchant du vendredi, 20 Mars : et par conséquent, que le vendredi 3 avril, auquel Jésus-Christ mourut, fut le 14e de Nisan, et non le 15e ordonné par la Loi pour la célébration de la Pâque.
M. Toinard avait fait ces découvertes par la lecture de quelques rabins, et de différents traités du Talmud, et particulièrement par les traductions entières qu'il fit du Codex Pesachim, et de celui de Roschaschana, où sont amplement déduits les rites de la Pâque, et la manière de l'année judaique, autemps que le temple de Jérusalem subsistait. Il communiqua alors ces découvertes à plusieurs de ses amis,…
dont quelques-uns vivent encore, et ils approuvèrent le système qu'il en avait formé contre la prétension de la Pâque mosaique, célébrée par J.C. dans la nuit qu'il institua le Sacrement de l'Eucharistie.
Mais comme il importait extrêmement à M. Toinard de se bien assurer que l'apparition de la nouvelle lune, du 19 mars de l'année 33 n'avait pu arriver le même soir ; il crut ne pouvoir mieux s'adresser pour cela qu'à M. Boulliau, dontl il avait fait la connaissance au cabinet de Mess. du Pui ; c'est pourquoi il le pria par une lettre qu'il lui écrivit d'Orléans en janvier 1663 de lui donner son sentiment sur le temps le plus précis qu'une nouvelle lune peut, depuis sa conjonction, paraître en Judée. Iil inséra dans cette même lettre plusieurs autres points qui avaient relation à la Pâque.
M. Boulliau ne répondit à M. Toinard que le premier avril suivant, et lui fit des excuses de ce retard sur ses autres occupations. Il confirma M. Toinard dans la pensée où il était que cette nouvelle lune du 19 ars de l'année 33 n'avait pu être apperçue en Judée au soir de ce jour là ; lui manda qu'il estimait probable l'opinion de ceux qui mettaient la mort de J.C. au 3 avril de la 33e année de l'ère vulgaire, et lui marqua une difficulté qu'il trouvait assez considérable. « C'est, dit il, l'anticipation que notre Seigneur J.C. a faite, célébrant…
sa Pâque selon la loi de Moïse, un jour avant que les Juifs célébrassent la leur. La raison est assez difficile à donner de cette diversité, si l'on ne dit que les Juifs manquaient à leur calendrier. Je suis trompé si cette question peut être jamais bien éclaircie. »
M. Toinard étant depuis venu à Paris eut plusieurs conférences sur cette question avec M. Boulliau, en présence de M. Formentin, aujourd'hui sous-doyen et grand vicaire d'Orléans. Les raisons de M. Toinard pour son système de la Pâque non célébrée par J.C. la veille de sa mort, et contre celui de l'anticipation, parurent si fortes à M. Boulliau, qu'il résolut de supprimer le traité qu'il avait fait en latin sur la Pâque, et qu'il était prêt de donner in 4° au public.
Ce fut grand dommage que cet ouvrage de M. Boulliau n'ait pas paru : car quoique son opinion de l'anticipation faite par J.C. ne soit soutenable en aucune manière, vu principalement qu'il demeurait d'accord que l'agneau pascal s'immolait dans le temple ; on n'aurait peut-être pas laissé d'y trouver expliqué à fond et avec beaucoup de justesse, tout ce qui regarde cette belle et grande question de la dernière Pâque, dont il est parlé dans les évangiles.
La réputation que tous ces livres lui avaient donnée ne diminua en rien sa modestie ; et un de ses amis lui ayant témoigné…
un jour par une lettre la haute opinion qu'il en avait, il lui fit réponse en ces termes : « Ne vous persuadez pas s'il vous plait, que j'aie l'esprit si perverti que je croie que l'on doive adorer le peu de choses que j'aye données au Public. Il n'y a rien au monde que j'appréhende tant que des louanges. Si ce que je fais est approuvé par les honnêtes gens intelligents dans les matières que j'ai traitées, cela sufit, et cette approbation pure et simple sans des éloges et des paroles de complaisance trop affectée, vaut plus que tous les panégiriques. » En quoi il était bien éloigné de l'enflure de ceux qui se louent souvent eux-mêmes, et qui se plaignent quand les autres ne les louent pas assez à leur gré.
La capacité de M. Boulliau en toute sorte de sciences ne parut pas seulement par les livres dont je viens de parler, mais encore par l'habitude qu'il entretint continuellement avec les plus sçavans de l'Europe. Il demeura plusieurs années chez M. Dupui Garde de la Biblioteque du Roi, où s'assembloient tous les jours & à toutes les heures des hommes distinguez par leurs emplois & par leur erudition, qui se communiquoient mutuellement leurs lumieres. Mrs. Grotius, Blondel, Delaunoi, Guiet, Menage, Toinard & Bigot furent longtemps de ce nombre. Aprés la mort de M. Dupui, M. de Thou President en la premiere des Enquêtes, voulut l'avoir chez lui, où les mesmes personnes continuèrent de s'assembler.
Lorsque M. le Président de Thou alla en Hollande en qualité d'ambassadeur de sa Majesté, M. Boulliau l'y suivit, et l'aida par ses conseils à soutenir le poids de cette importante fonction.
Il fit plusieurs autres voyages, en Italie, en Allemagne, en Pologne et au Levant. La Reine Louise Marie de Gonzague l'attire à sa Cour, l'y reçut honorablement, et lui fit un présent considérable. Le roi Jean-Casimir le nomma pour être son Agent auprès des États des Provinces-Unies pendant la guerre de Suède et de Pologne ; ce qui montre qu'il savait quelque chose de plus que ce qui s'apprend dans les livres.
Il se retira dans l'abbaye de Saint-Victor à Paris en 1689. Il y fit son testament le 20 août 1691, y mourut le 25 novembre 1694.
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Dernière modification : 2007-10-14 - 14:39:46
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