A la Croisée de l'Anjou, de la Touraine et du Poitou
Pécher en allant à Paris
Jean-Claude Raymond (rédaction) Fernande Germain (recueil de l'anecdote)
Dans les années 1930, Louis n'avait alors qu'une dizaine d’années. Ses parents habitaient Loudun et y tenaient un commerce de luxe. A cette époque les commerces n’avaient pas de fermeture obligatoire le dimanche, seul le lundi était jour de liberté. C’était donc assez astreignant et les week-ends prolongés étaient donc assez rares. Angèle, la maman de Louis eut l'idée de profiter du week-end de Pâques qui se prolongeait du vendredi au lundi pour aller passer quelques jours de décontraction à Paris.
Angèle était une femme très en avance sur son temps. Elle était une des premières femmes de Loudun à se faire couper les cheveux dans les années 1920/1930. Son mari ne voulant pas apprendre à conduire, elle le fit à sa place et elle eut ainsi sa voiture très tôt. Conduire dans la capitale ne l'effrayait pas car elle connaissait bien cette ville. Née dans une famille nombreuse vendéenne, ses parents l'avaient placée avec sa sœur dans des familles parisiennes aisées qui prenaient à leur service des jeunes filles de bonne famille. A cette époque, à moins de faire partie des classes sociales assez pourvues, les jeunes filles ne continuaient pas leurs études. Leurs parents cherchaient à les placer dans des maisons bourgeoises afin qu'elles y apprennent à tenir une maison, à connaître les bonnes manières et afin qu'elles ne soient plus à leur charge.
Louis était tout excité car il ne connaissait pas Paris dont sa mère lui avait souvent parlé et dont il rêvait. Très tôt, le vendredi matin, Angèle prépara, comme il se doit, tout ce qui était nécessaire pour le voyage. Un déplacement à Paris était presque une expédition. Ils partirent donc à la première heure. Il fallait rouler au moins pendant six heures. La famille enthousiaste, plus une amie, avaient pris place dans la 5 chevaux Peugeot qui roulait bientôt en direction de Paris. Tout le monde avait oublié les soucis quotidiens et ne pensait plus qu'à ce qu'ils allaient faire pendant ces trois jours de liberté qui s'offraient à eux.
A midi, la faim se fit sentir, ils trouvèrent un endroit accueillant pour pique-niquer en toute tranquillité. Ils durent rester dans la voiture car le temps n’était pas de la partie pour rester à l’extérieur mais cela n'avait pas entamé leur entrain. On avait déballé le panier préparé par Angèle. L'odeur de pain et de pâté se répandit dans la voiture. Et, chacun entama avec envie, les sandwichs d'Angèle.
Malgré le temps l'ambiance était joyeuse, mais à peine avaient-ils avalé la première bouchée qu'un cri strident retentit dans la voiture, glaçant d'effroi trois des occupants de la voiture. et s'exclama : « Jetez vos sandwichs ». Ceci fut fait immédiatement, redoutant quelque danger. Angèle venait de se rendre compte qu'elle avait donné à manger à sa famille et à son amie de la charcuterie un vendredi-saint. « Malheur à moi, dit-t-elle, nous venons de manger de la charcuterie et nous sommes le vendredi-saint ». Elle avait été apprise à respecter les règles religieuses avec le plus grand respect et était pratiquante. Depuis déjà presque trois siècles, on ne condamnait pas à mort pour cela, mais elle était consciente de la gravité du péché qu'elle venait de commettre et de faire commettre à ses proches.
Un silence pesant s'était établi dans l'automobile, les visages étaient pâles comme s'ils avaient rencontré une menace effrayante. Heureusement, le panier contenait aussi des sandwichs au fromage et des gâteaux et le repas se poursuivit.
L'après-midi, la route fut moins gaie. Cette péripétie ennuyait Angèle. Aussi dès son retour à Loudun, sa première préoccupation fut d'aller à la messe et d'aller confesser sa faute. Le prêtre la bénit lui disant qu'elle n'avait pas péché car elle n'avait pas agi intentionnellement et l'assura même qu'elle aurait dû finir son sandwich.
Ce qu'il y a de sûr, c'est que le souvenir de cette journée et des sandwichs consommés un vendredi saint revient chaque vendredi saint.
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Dernière modification : 2008-01-18 - 14:52:01
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