A la Croisée de l'Anjou, de la Touraine et du Poitou
La Marchande de poissons
ou sardinière
Jean-Claude Raymond Fernande Germain
Fernande Germain se rappelle bien Madame Juliette. Mme Juliette parcourait autrefois les rues de Loudun, entre autres celle du Martray. Elle officiait principalement le vendredi, jour maigre. Mais elle n'était pas seule, il y avait aussi Mme Terriot. Les ménagères respectaient alors la règle édictée par l'église qui interdisait la consommation de viande ce jour de la semaine.
Malgré le marché, c'était une aubaine pour ce genre de commerce ambulant, la petite charrette à bras de Mme Juliette étalait un arrivage de moules, de morues salées, de sardines fraîches et de merlus que nous appelons maintenant colin puisque c'est la dénomination parisienne qui est devenue courante. Quand j'étais enfant ma mère employait le mot merlu. L'arrivage se faisait le matin même en provenance des Sables d'Olonne (beaucoup disaient Les Sables d'Ologne probablement par homophonie avec l'eau de Cologne) par le chemin-de-fer - ligne des Sables d'Olonne à Tours. Il y avait un arrêt à Loudun.
Bien des gens de la région loudunaise découvrirent la mer aux Sables d'Olonne à cause de la ligne de chemins de fer, en particulier lors de l'instauration des congés payés, en 1936. Je me rappelle avoir vu chez les oncles et tantes des souvenirs des Sables d'Olonne. Un petit tableau peint sur une planchette de bois coupée en biais par rapport à l'axe du tronc ; ce qui donnait à la planchette une forme ovale propice à montrer l'étendue de la plage de sable fin.
Mais revenons à nos sardines. On parlait à cette époque de Sablaises comme on dit aujourd'hui des Marennes-Oléron pour les huîtres. Mme Juliette avait disposé dans sa charrette, un lit d'algues, de goémon avec des fougères pour la décoration. Cet assemblage contribuait à maintenir de l'humidité autour des poissons. Cela était-il suffisant pour conserver un état de fraîcheur correct ? On peut en douter. Fernande Germain se rappelle bien qu'il n'y avait pas de glace. D'ailleurs, à cette époque, le poisson avait souvent un goût fort.
Le poisson était vendu au poids. Mme Juliette utilisait une balance romaine. Bien que cette sorte de balance ait disparu, l'objet possédé par Mme Juliette n'avait pas été abandonné par quelque troupe romaine en des temps anciens. Les moules étaient vendues au litre. Mme Juliette utilisait pour mesure : une sorte de boisseau cylindrique en bois. On se servait de ce genre de mesures aussi pour mesurer les graminées.
La balance romaine est souvent appelée balance à fléau. Cette dernière dénomination est trompeuse puisque la majorité des balances en sont équipées. Mais la balance romaine se caractérise par une dissymétrie des bras du fléau.
Cette dissymétrie offre l'avantage de fournir des sujets de problème de physique sur la notion de couple. Ci-dessous la description de cette balance dans le manuel scolaire Physique par J. Langlebert (rédigé d'après les Programmes officiels prescrits pour l'enseignement classique, l'enseignement spécial et le Baccalauréat ès Sciences, 27e édition, 1877).
Balance romaine.— Cette balance
(…) consiste (…) en un levier à bras
inégaux ; (…) elle est (…) commode en ce sens qu'elle n'exige
pas l'emploi de poids marqués. Le levier
CA est soutenu par le point B et mobile autour de ce point ; à
l'extrémité du bras de levier le plus court
BA est suspendu un crochet destiné à recevoir le corps qu'on
veut
peser, l'autre bras de levier BC supporte BC un poids D qui peut
clisser, au moyen d'un anneau, sur toute sa longueur.
Lorsqu'on veut se servir de cette balance, on suspend d'abord au
crochet le corps à peser, puis on fait glisser le poids mobile D
jusqu'à
ce que le levier CA reste horizontal. La position du poids mobile D
sert alors à déterminer le poids du corps. Il suffit pour
cela que l'on ait gradué à l'avance la partie CB du levier, en marquant
les points où s'arrête le poids mobile quand
le corps suspendu au crochet pèse 4 kil., 2 kil., 3 kil., etc. Le
crochet est quelquefois remplacé par un plateau sur lequel
on pose le corps à peser.
§ 67, page 59
du livre de Physique
par J. Langlebert,
27e édition
chez Imp. et librairie classiques
de J. Delalain et
fils à Paris
Si Md est la masse du poids D et Mm le poids de
la marchandise, si le Poids D est suspendu en E sur le bras du fléau,
nous avons, lorsque le fléau est en équilibre horizontal,
l'expression mathématique :
Md x EB = Mm x Ba
ce qui donne
Mm= Md x (EB/BA)
Md la masse du poids étant fixe (en un même lieu), le poids Mm mesuré
dépend du rapport des longueurs EB sur BA.
Avec cette démonstration mathématiques tout devient très clair.
N'est-il pas ? (pour vous montrer que je sais un peu d'anglais).
C'est ce rapport que Mme Juliette faisait varier (sans le savoir comme
M. Jourdain disait de la prose ne le sachant pas) en déplaçant le poids
D sur le bras du fléau qui comprend une sorte de réglette indiquant des
poids en fonction de l'emplacement de D.
Ce qui revient à dire qu'avec une seule masse (le poids D, plus léger que la marchandise à peser), Mme Juliette était capable de mesurer les différents poids de ses marchandises contrairement aux balances habituelles avec lesquelles il faut un jeu de poids et un emplacement horizontal dont notre balance romaine s'affranchit complètement trouvant son aplomb étant suspendue en E. On n'arrête pas le progrès. Certes, je galège et voulais plutôt dire que les objets anciens étaient souvent très ingénieux. Maintenant, il est vrai que les pèse-personnes par exemple vous donnent votre poids par lecture d'un cadran sans aucune manipulation. Oui, mais vous ne savez probablement pas que vous ne pèserez pas le même poids à l'équateur et aux pôles. La différence n'est certes pas énorme !
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A la Croisée de l'Anjou, de la Touraine et du Poitou vous remercie de votre visite
Dernière modification : 2008-01-18 - 15:12:15
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