A la Croisée de l'Anjou, de la Touraine et du Poitou
La Boule de Fort
Jeu typiquemet ligérien
par Jean-Claude Raymond
Table des matières
Les jeux et sports utilisant une forme sphérique : bille, balle, ballon, boule, sont légions. Quelques-uns se démarquent. Il est un jeu de boule, pratiqué en terre angevine et saumuroise, qui est aux jeux de boules lyonnaises, à la pétanque ce que le rugby est au football.
Si le ballon de rugby est ovale, la boule de Fort n'est pas une sphère. Imaginez une sorte de roue, ayant certes de l'embonpoint. En bois de cormier, cerclée de fer, une face est évidée en son centre l'autre est plombée. Ainsi constituée, elle pèse un kilogramme et de même que le ballon de rugby a des rebonds fantasques, la boule de Fort ne suit pas la ligne droite, même sur un terrain parfaitement plan et horizontal. Sa trajectoire s'incurve du côté plombé ou fort.. En fin de course, elle se couche généralement sur le fort. Pour tout compliquer, le jeu se pratique sur une aire en forme de caniveau très large relevé de chaque côté.
© Cliché d'André-Paul Bruckert
La fabrication des pistes ou jeux demandait une très grande minutie. Elles étaient autrefois en terre battue, souvent goudronnées. Aujourd'hui, les pistes sont recouvertes de plastique verni. Elles ont généralement 2à à 23 mètres de longueur et 6 à 7 de largeur. La qualité de la piste est primordiale, aussi n'y accède-t-on qu'en chausson afin de ne pas la détériorer.
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Photographie reproduite avec l'aimable autorisation
de
F.B.F.
Fabrication
de Boules de Fort
Comme nous l'avons indiqué plus haut, la boule de Fort n'est pas une sphère. Imaginez une spère dont deux calottes symétriques ont été enlevées. Ainsi faite, elle ressemble à une roue ayant beaucoup d'embonpoint. Elle est cerclée de fer comme les roues des charettes, probablement cela devait contribuer à prévenir l'éclatement du bois de cormier ou de buis dans lequel elle était traditionnellement taillée. Aujourd'hui, là aussi le plastique a remplacé les matériaux traditionnels.
Il aurait sans doute été trop facile de jouer avec une telle boule. Aussi, pour compliquer les choses, l'un des côté est lesté ce qui lui confère des trajectoires courbes. Enfin, parée pour l'emploi, ses mensurations sont les suivantes : sa masse est comprise entre 1,250 et 1,5 kg, son diamètre varie de 11 à 12 cm et son épaisseur est de 10 cm.
On ne connaît pas comment naquit cette boule curieuse ; à moins que la légende de Saint-Fort… Une chose est sûre, ce jeu n'existe que dans le bassin de la Loire entre Angers et Saumur.
Certains pensent qu'elle aurait pu être imaginée par des mariniers qui auraient joué dans les cales des bateaux qui alors navigaient sur la Loire. La forme de la cale aurait donné la forme de la piste. Comme un bateau n'est pas immobile sur l'eau, même à quai, la nécessité d'avoir des boules avec un méplat se serait fait sentir. L'écueil est que les fonds des bateaux sont parcourus de membrures transverses. D'autre part, la longueur des bateaux était inférieure aux 20 mètres des jeux de boule de Fort.
Certains imaginent qu'il a été importé d'Angleterre et en font un jeu très anciens. Les Anglais ont bien inventé le ballon ovale, pourquoi n'auraient-ils pas inventé la boule-roue ?
Les recherches les plus récentes mènent à
penser à une origine beaucoup plus récente entre 1715 et 1719. Des
ouvriers espagnols, travaillant sur les levées de la Loire, auraient
utilisé les boules usées qui servaient de roulement à bille dans les
moulins à vent. Celles-ci s'usant très vites, on pouvait en trouver
facilement. La forme de la piste viendrait du fait qu'on a souvent joué
dans des douves asséchées de château.
Le jeu consiste à utiliser les côtés relevés de la piste un peu à la manière des bandes d'un billard pour ramener la boule vers le centre. Pour domestiquer la trajectoire naturellement courbe, il faut en général deux bandes pour approcher le petit (ou cochonnet dans la pétanque).
Contrairement à la pétanque où le lancer est exécuté avec la main placée au-dessus de la boule en élevant le bras pour que la boule passe les premiers obstacles du sol inégal avec un mouvement de poignet donnant à la boule un mouvement de rotation rétrograde afin de la freiner lors de son arrivée au sol, le lancer de la boule de Fort se fait paume vers l'avant. Le lâcher donne la rotation initiale dans le sens de la trajectoire. La boule touche le sol parfaitement préparé et va décrire plusieurs courbes allant d'un côté et de l'autre de l'aire de jeu pour se rapprocher du petit. Les meilleurs joueurs se servent de ces trajectoires courbes, avec plusieurs changements de direction pour éviter les boules déjà jouées.
Le temps qui sépare le lancer de la boule en vue d'approcher le maître et le moment où elle s'immobilise est d'environ 45 secondes, voire plus d'une minute en fonction de la longueur de la piste. Une même partie de 10 ou 12 points peut durer plusieurs heures.
Le but du jeu est semblable à celui de la pétanque, il est de s'approcher le plus prêt possible du maître. C'est le rôle du rouleur. Mais, il y a aussi les tireurs qui ont pour objectif de chasser les boules adverses qui tiennent le point.
A ce jeu en plus de l'adresse, il faut de la finesse, une capacité à intégrer tous les paramètres qui vont donner les nonchalantes trajectoires. Les caractéristiques de la boule connues, la piste parfaitement aménagée, seule l'adresse du joueur entre en jeu. On peut imaginer que ce jeu implique ou est le résultat d'une conception de la vie où l'approche du but ne se fait pas directement mais par le choix approprié des manières de l'approcher et où il faut prendre le temps de faire les choses. Ici point d'embûches, de traquenards, de sols traîtres qui cachent un cailloux, une racine affleurant en cachette qui feront dévier la boule de pétanque.
La boule de fort ne commet pas de tels écarts brutaux, elle est fidèle. Elle évolue avec douceur. Dans les mains des joueurs les plus experts, elle ondoie, contourne avec lenteur, méthode, intelligence, majesté les autres boules formant obstacles sur l'aire de jeu et finalement sa tâche accomplie, elle se couche. Elle décrit des trajectoires nonchalamment sinueuses, modelées sur le cours du fleuve auprès duquel ce jeu s'est exclusivement développé. À ce peuple accommodant décrit par Henri Guerlin et à cette boule de Fort, la Loire n'a-t-elle pas insufflé certains traits de son caractère ?
(Je recommande la lecture du livre La Boule de Fort et sa pratique)
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A la Croisée de l'Anjou, de la Touraine et du Poitou vous remercie de votre visite
Dernière modification : 2012-06-03 - 10:58:12
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