A la Croisée de l'Anjou, de la Touraine et du Poitou
Les Noyers et les noix
par Jean-Claude Raymond
Les noyers autrefois faisaient partie du paysage du Loudunais. Presque tous les champs avaient leur noyer. En effet, avant les remembrements, la taille des champs résultait de parcellisations successives consécutives aux héritages. Tant que le labour fut effectué avec des bêtes de trait, la situation restait acceptable. Les noyers offraient leur ombre aux laboureurs et à leur équipage1. L'usage du tracteur a modifié les données. La rentabilité exigeait des parcelles plus étendues. Les noyers devenaient des obstacles. Le ramassage des noix fut considéré comme une occupation de gagne-petit. Les noyers commencèrent à disparaître d'autant plus que leur bois est apprécié pour la fabrication de meubles. Mais, le grand destructeur fut le remembrement qui consiste à regrouper les petites parcelles éparses de mêmes propriétaires en de champs plus vastes. Chacun, petit à petit, voulut récupérer l'argent des noyers de tous ses petits champs. Ainsi, le noyer disparut presque de notre paysage loudunais. On ne le trouve plus guère qu'autour des maisons et sur le bord des fossés. En effet, repoussant de souche et maltraité lors des labours des champs il s'est retrouvé sur les bords des fossés où les engins agricoles n'accèdent pas. Toutefois, les puissantes machines de la D.D.E. les écharognent et les écharpillent régulièrement aussi ne deviennent-ils que rarement de vrais arbres mais restent à l'état de touffes.
Du temps de leur splendeur, les noyers outre leur ombre fournissaient leurs fruits : les noix. Fernande Germain nous a rappelé quelques scènes de la fin de cette époque et que nous rapportons dans Échaluper les noix et Le Pain saucé.
NoteÉchalupage, voici encore
un mot régional que beaucoup ne connaissent plus. Il faut savoir que
toute activité crée les mots dont elle a besoin. Par exemple les
esquimaux ont vingt-cinq mots, d'après ce que j'ai lu, pour désigner
différentes sortes de neige. L'échalupage est le travail qui consiste à
écaler les noix (les dépouiller de leur brou équivalent de la bogue
pour les marrons et les châtaignes), briser les coquilles et trier les
amandes. Les amandes ainsi dégagées sont appelées cerneaux. C'est une
opération délicate car il convient de ne pas mêler d'éclats de
coquilles aux cerneaux. Dans le cas où l'on veut destiner les cerneaux
à une utilisation en pâtisserie ou en confiserie, il faut casser la
coquille en laissant l'amande intacte.
Vous avez tous entendu
parler ou lu des textes sur les veillées d'autrefois. L'échalupage des
noix était une occasion de réunions indispensables. En effet, lorsqu'on
veut faire faire de l'huile, il faut livrer une quantité de cerneaux
appréciable et si possible l'ensemble de sa récolte. Mais d'un autre
côté, les cerneaux ne se conservent pas bien hors de leurs coquilles.
Ainsi, les gros propriétaires pouvaient réunir jusqu'à 25 personnes par
soirée, en fait la principale limite était la taille de la pièce où
l'on pouvait travailler. Les uns étaient casseurs et brisaient les
coquilles, les autres triaient les cerneaux des coquilles. On imagine
bien cette activité paysanne.
Mais on ignore souvent
que, dans les villes, de petites gens pouvaient aussi échaluper des
noix. C'est ce que nous rapporte Fernande Germain. C'était souvent
l'occupation de personnes âgées qui trouvaient là un petit revenu. Les
retraites payées comme actuellement n'existaient pas. C'était un moyen
de trouver un complément de revenu. Les huileries apportaient des sacs
de noix
à ces personnes qui se chargeaient de les échaluper. Les cerneaux
étaient ensuite ramassés par ces mêmes huileries. A Loudun, il y avait
au début du siècle deux huileries artisanales :
* l'huilerie Doulain, rue du
Portail-Chaussée,
* l'huilerie Petit, sur le boulevard du
Portail-Chaussée au lieu dit La Bascule.
Il existe aujourd'hui
une huilerie active à Loudun, l'huilerie
des Roches, voir le paragraphe Liens.
Pour confectionner l'huile, les cerneaux sont d'abord broyés pour former une espèce de pâte. Elle est chauffée avant d'être pressée. Le résidu du pressage appelé tourteau sert aujourd'hui pour l'alimentation animale. Autrefois, les huileries passaient du pain dans la cuve probablement pour ramasser les restes d'huile.
Ce pain s'imprégnait d'huile. Il était distribué gratuitement au portail de l'huilerie et les enfants des écoles se précipitaient pour déguster les quignons de pain qui avaient acquis un délicieux goût de noix. C'était considéré comme une friandise. On l'appelait le pain saucé.
D'après un souvenir de Fernande Germain.
Recette :
C'est un
régal nous dit Fernande Germain.
Elle ajoute
qu'autrefois, les hommes avaient ce menu tous les jours au petit
déjeuner, accompagné de bonnes tranches de pain de six livres. Le tout
est arrosé de café noir maintenu à bonne température toute la journée
au feu de la cheminée. Certains y ajoutaient de la goutte (eau-de-vie).
Ainsi armés, ils pouvaient faire les travaux des champs et attendre
l'angélus de midi.
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Dernière modification : 2010-07-09 - 06:08:43
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