A la Croisée de l'Anjou, de la Touraine et du Poitou

Fuir le Service du travail obligatoire (STO)
Seconde-Guerre
Jean-Claude Raymond Fernande Germain

Fuir le Service du travail obligatoire (STO)

En 1942, Lucien et Georgette accueillent leur premier enfant, Josette née en avril 1942. Les Français vivent toujours sous l'occupation allemande. La France est coupée en deux. La vie n'est pas toujours facile avec les tickets d'alimentation et les restrictions en tous genres. Le moral n'est pas bon avec la présence étrangère qui n'en finit pas. Les Allemands sont toujours à Loudun, moins nombreux mais toujours là. Malgré tout cela, en janvier 1943, Lucien et Georgette étaient heureux ; Josette leur fille avait alors neuf mois et pouvait  être sevrée ce qui donna une plus grande liberté aux parents. Et, s'il était difficile d'aller en zone sud (cf. nos articles sur la ligne de démarcation), il était possible d'aller à Paris. Les jeunes parents partirent donc en congé pour la capitale avec un couple d'amis. Ils vont à l'Opéra, au Casino de Paris. Ils rentrent très exactement le 24 janvier, jour de l'anniversaire de Lucien.

Pendant son voyage, ses parents avaient reçu, un avis de la Kommandantur l'appelant à travailler en Allemagne au titre du STO (Service du Travail Obligatoire). En son absence, la convocation avait été renvoyée, mais quelques jours plus tard lui en parvenait une nouvelle. Celle-ci concerne un travail sur la côte Atlantique, à la Pointe de Grave au lieu dit Le Verdon sous le contrôle de l'armée allemande. Edmond, un ami à lui de Loudun mais plus âgé, avait reçu la même convocation. Devant cette alternative, travailler en Allemagne ou en France, la décision fut prise de rester en France occupée plutôt que d'aller en Allemagne. Ils partirent donc dès les premiers jours de février 1943. Au Verdon même, ils trouvèrent une chambre à louer chez l'habitant. Au début du séjour, mis à part l'éloignement de sa famille, tout se passait bien.

Hélas ! un jour, sur le chantier, Lucien se trouvant à travailler avec quatre garçons natifs de l’Ile d’Yeu, et probablement ne travaillant pas assez ardemment, l’allemand qui les surveillait prétendit qu’ils faisaient du sabotage. A la suite de quoi, ils furent placés, tous les cinq, sous l’autorité d’un SS qui les frappa, les menaça de son revolver et qui après plusieurs vexations à leur égard les envoya en prison. Les conditions étaient lamentables. Couchés sur la paille, dans une saleté repoussante, avec des poux et la vermine, il fallait qu’ils subissent cette nouvelle condition. Pour les punir plus lourdement, les Allemands leur faisaient faire des exercices exténuants, courses à pieds, pompes, pelote. Ils s’acharnaient sur les plus faibles. Lucien qui avait toujours fait du sport et de la culture physique n’en était pas gêné, mais les autres qui étaient pêcheurs, peinaient énormément pour suivre la cadence accélérée. Les Allemands étaient sadiques. Comme ils voyaient que Lucien ne souffrait pas de ces sévices, ils lui faisait ramasser des feuilles sur le sol pendant que les autres s’échinaient aux exercices difficiles.

Le jour même de sa sortie de prison, Lucien se mit en rapport avec sa femme pour essayer d’échafauder un projet de départ de cette base du Verdon. Tout cela ne pouvait être fait que de vive voix. Il n’y avait pas d’autre solution pour elle que de partir au Verdon étudier ensemble la manière de s’y prendre. Elle partit donc avec la mère de son ami Edmond vers l'inconnu! Il ne fallait pas perdre de temps, les heures étaient comptées pour nos deux travailleurs, car les Allemands avaient pris la décision de supprimer les chambres en ville pour tout appelé de l'organisation TODT.

Tôt un matin les deux femmes prirent le train à Loudun, direction Bordeaux. Au bout de quelques heures, elles étaient sur place dans la capitale bordelaise. Mais pour aller au Verdon, il leur fallait des laisser-passer. Elles allèrent à l'Hôtel de Ville de Bordeaux connaître les formalités pour accéder à tous les points susceptibles de délivrer les autorisations dont elles avaient besoin. Il leur fallut aller à la Kommandantur. Comme Georgette n'avait que 23 ans elle comptait sur sa jeunesse pour émouvoir les soldats allemands. Ce qui réussit d'ailleurs. Elle expliqua qu'elle avait laissé sa petite fille de 10 mois chez ses parents pour venir voir son mari qui travaillait pour eux à la base du Verdon, que ne l'ayant pas vu depuis un certain temps, jeune mariée, elle trouvait le temps long. (Quand Georgette raconte cela, elle se voit encore dans la rue, le soldat allemand auprès d'elle, la tenant par l'épaule et lui expliquant ce qu'il avait lieu de faire). Le résultat a été ce qu'elle avait escompté, le soldat allemand l'ayant accompagnée pour toutes les formalités, elle repartit avec son laisser-passer et celui de la dame qui était avec elle. Elles prirent le train jusqu'au Verdon pour retrouver nos deux amis qui attendaient impatiemment et avec quelques appréhensions, l'arrivée des voyageuses.

Les retrouvailles furent un moment assez dur à supporter. Après les embrassades, Lucien les conduisit à l'endroit où ils vivaient. C'était un lieu pitoyable de saleté et de puanteur. Et le pire de tout étaient ses gilets de peau suspendus à un fil de fer avec des poux de corps dont on n'aurait pas pu imaginer que cela pût exister. Il avait attrapé tout cela pendant son passage en prison. Après la joie de se revoir nos quatre amis parlèrent sans tarder de leur projet. Ils avaient pensé, tous les deux, qu'une fois les femmes arrivées à Loudun, elles enverraient les vélos par la SNCF, ce qui fut fait. De retour  à Loudun, les vélos furent expédiés à une adresse connue que de nos deux amis. Les vélos y resteraient à leur disposition jusqu'au moment où il serait question du départ de tous les travailleurs de l'organisation TODT pour l'Allemagne.

Edmond et Lucien avaient prévu chacun leur point de chute dans les Deux-Sèvres dans leur famille réciproques. Après avoir étudié la carte de la région, ils partirent en pleine nuit pour qu'à l'aube, au moment où les Boches s'apercevraient de leur absence, ils fussent déjà assez loin de leur lieu de travail. Au mois de février, les jours sont encore courts, pour rouler tout à leur aise sur les routes départementales. Ils durent s'arrêter deux nuits pour effectuer leur parcours. Ce fut un soulagement lorsque chacune de leur famille les sut arrivés à bon port. Lucien se trouvait du côté de Moncoutant chez une tante. Un cap était franchi mais il restait encore beaucoup à faire, car il était  presque certain que les Allemands allaient les rechercher. Cela se fit d'ailleurs très rapidement. Un jour ou deux plus tard, des Allemands se présentèrent au magasin des parents de Lucien et les avertirent qu'ils sont à la recherche de leur fils. Les parents firent les ignorants, disant qu'ils ne l'ont pas vu depuis un certain temps et qu'ils sont sans nouvelles de lui. Alors les soldats leur dirent : « Soyez bien avertis que si nous ne retrouvons pas votre fils nous nous en prendrons à sa femme et à sa fille. »

Lucien fut averti de cette démarche et jugea que tant que les Allemands occuperaient cette zone de la France il ne fallait pas se hasarder à Loudun. Un mois passa loin de Loudun, il trouvait le temps long séparé de sa famille. Lucien était devenu un clandestin. Il n'était pas le seul dans ce cas. Bien des familles avaient un des siens camouflé loin de chez elles, ou même chez elles avec des précautions particulières à prendre.

Fernande Germain

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Note

Todt – Organisation Todt (OT)

L'Organisation Todt est une entreprise publique du IIIe Reich qui effectuait tous les travaux qui nécessitaient des matériaux et une main d'œuvre en grosse quantité. Elle fut fondée en 1938. Elle porte le nom de son premier directeur : l'ingénieur Fritz Todt. Elle poursuivit les travaux commencés dès 1933 par Todt, alors inspecteur général pour les routes. Le projet prévoyait 4 000 km d'autoroute et employait plus de 100 000 ouvriers. Elle participa à la construction du mur de l'Ouest qui faisaitt face à la ligne Maginot.

A la mort de Todt l'organisation fut intégrée au le ministère de l'armement. Son rôle évolua et passa d'un rôle de coordination inter-entreprise, à celui de relais entre l'armée allemande et l'industrie. Au départ, elle recrute des jeunes allemands volontaires attirés par l'argent ou des réquisitionnés, puis des étrangers, Des prisonniers de toutes nations, des juifs (jusqu'en 1942 date de leur déportation à Auschwitz) lui sont envoyés. En 1944, elle compte environ 1,4 millions d'ouvriers dont 6 000 jeunes venant des Chantiers de jeunesse fournis par Vichy. Le contrat de service franco-allemand était favorable aux entreprises et permit des fortunes acquises rapidement.

Jean-Claude Raymond

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