A la Croisée de l'Anjou, de la Touraine et du Poitou
Un bol de fromage blanc
sous l'occupation
par Jean-Claude Raymond
Table des matières
Pendant l'occupation, même les produits alimentaires manquaient. Chacun recevait des tickets de rationnement qui lui donnait le droit d'avoir sa ration. La conséquence fut le marché noir qui permit au moins honnêtes de s'enrichir rapidement. Il y avait aussi le troc et quelques fois la solidarité. Dans ce contexte, des denrées qui paraissent courantes aujourd'hui constituaient des mets de choix.
Lorsque mon père rentra à la maison, ma mère apparemment n'y était pas. Elle devait être sortie faire des courses . A sa grande surprise, mon père découvre sur l'égouttoir de l'évier un bol contenant du fromage blanc frais. Il en fut bien un peu surpris ; mais il pensa que ma mère l'avait laissé là à son attention afin qu'il en profite à son retour du collège. En effet, un fromage blanc était denrée assez difficile à se procurer en cette période d'occupation sauf ceux ramenés de chez mes grands-parents paternels qui étaient agriculteurs et qui avaient donc du lait. Mais, mon père n'était pas allé chez eux depuis quelques temps. Il pensa que probablement une voisine avait fait profiter ma mère d'une occasion. Il loua mentalement ma mère de cette attention d'autant que la journée avait été chaude. Il s'installa sur la table de la cuisine et dégusta le fromage sans en laisser. Puis, il gagna son bureau et se mit à corriger ses copies.
Plus tard, ma mère revint des courses, vint saluer mon
père. Elle retourna dans la cuisine. Il entendit ma
mère lui demandant :
« Maurice c'est toi qui a jeté ce qu'il y
avait dans le bol ? »
« J'ai rien jeter. » dit mon
père surpris ?»
« Le bol est vide. »
« Un bol ? Sur l'égouttoir de
l'évier ? »
« Bien oui ! Je le retrouve
vide. »
« J'ai mangé le fromage blanc qui
était dedans. »
Ma mère atterrée s'exclama :
« Le bol sur l'égouttoir ; mais
c'était mes rideaux ! »
« Tes rideaux ? J'ai mangé tes
rideaux ! » s'exclama mon père
« Tu plaisantes ! »
« Pas du tout, j'ai voulu les laver. Ils se sont
transformés en une sorte de
pâte. »
Mon père fut obligé de se rendre à
l'évidence en voyant le bol que lui montrait ma
mère.
En début d'après-midi ma mère avait entrepris de laver les rideaux de la cuisine. Elle les avait mis à tremper dans une bassine avec un peu de savon. Quelle ne fut pas sa surprise quand elle voulut les laver véritablement de trouver une sorte de pâte qui s'était déposée au fond de la bassine. Elle dut constater que les rideaux s'étaient décomposés. Avec précaution, elle avait versé l'eau qui surmontait la pâte pour montrer à mon père sa mésaventure. Les rideaux qu'elle avait achetés quelques mois auparavant n'avaient pas résisté au premier lavage.
Mon père avait tout simplement mangé les rideaux. Rassurez-vous, il ne fut pas intoxiqué. Mes parents se sont toujours demandé en quoi ils étaient fabriqués.
Jean-Claude Raymond
d'après Maurice et Jeanne Raymond, mes parents.
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Dernière modification : 2006-06-10 - 20:08:00
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