A la Croisée de l'Anjou, de la Touraine et du Poitou

De l'utilité des cottes de travail pour passer la ligne de démarcation
Seconde-Guerre
par Jean-Claude Raymond

De l'utilité des cottes de travail pour passer la ligne de démarcation 

Maurice eut la chance de pas être fait prisonnier. Radio, dans un régiment du génie, sa compagnie était équipée de voitures automobiles réquisitionnées, à raison d'une voiture  pour quatre ou cinq hommes. Elle a pu se replier suivant les ordres jusqu'à Limoges. Signalons au passage qu'il doit aussi pour une part de ne pas être fait prisonnier à un jeune sous-officier qui bien informé des déplacements des Allemands a su éviter les mouvements d'encerclement des Allemands et a donné des ordres contraires aux officiers supérieurs qui voulaient descendre directement vers le Sud. Arrivé du côté de Limoges, Maurice se trouvait avec un camarade qui avait suivi en même temps que lui les cours de la Faculté des Lettres à Poitiers. Bien que la démobilisation fut décrétée, des formalités administratives et l'absence de moyens de transport disponibles empêchaient le retour à la maison, c'est-à-dire pour Maurice : Poitiers. Les deux camarades essayaient d'imaginer le moyen d'arriver chez eux au plus tôt. En l'absence de moyen de transport, ils proposèrent à l'officier dont ils dépendaient l'autorisation de rentrer à pied. Cet homme d'un autre âge écouta leur proposition avec intérêt leur signant les papiers indispensables, Il les félicita arguant que si les soldats français avaient été capbles de marcher à pied et fait preuve d'initiative comme eux ils n'auraient pas été fait prisonniers.

Les deux compères avaient fait connaissance sur place d'un instituteur de la région. Ils lui avaient parlé de leur envie de rentrer chez eux. L'instituteur leur avait fait une proposition. « Si vous me trouvez du carburant, je vous emmène jusqu'à la gare de Limoges. » Si les civils n'en trouvaient pas, l'armée française, même en déroute, en possédait encore. Le réservoir de la voiture du commandant fut siphonné et nos trois membres de l'enseignement, sans remord, gagnèrent la gare de Limoges.

Le plus dur restait à faire car la ligne de démarcation n'était toujours pas passée. Habillés de bleu de chauffe (ils n'avaient rien trouvé d'autre), ils passaient inaperçus dans la gare de triage. Ils savaient, après avoir vu les contrôles sur les quais des voyageurs, que le mieux serait peut-être de prendre un train de marchandises. D'un ton assuré, ils demandèrent à un cheminot qui était en train de travailler ; « le train qui emmène des marchandises à Poitiers, il est où ? » Le cheminot leur répliqua qu'il semblait avoir remarqué des wagons portant la mention destination Poitiers. Il leur indiqua vaguement la direction et ajouta : « Il suffit de lire les étiquettes sur les wagons. Là où il se trouve, je crois qu'il part bientôt ! » Ils trouvèrent facilement le convoi. Il fallait maintenant choisir un wagon. Se camoufler derrières des marchandises ne leur paraissait pas un bon plan en cas de fouille. On comprendrait qu'ils étaient en situation irrégulière. Un wagon leur apparut plus accueillant car peu encombré. Il était rempli de batteries électriques réparties sur un seul niveau ce qui le faisait apparaître comme quasi-vide. Ils décidèrent qu'il était idéal. Ils refermèrent la porte coulissante avec précaution. Quelques batteries empilées les unes sur les autres constituaient des sièges, un peu durs certes. Ils échafaudèrent un plan concerté des réponses qu'ils donneraient l'un et l'autre s'ils étaient découverts. Ils trouvèrent que le bon argument serait de dire qu'ils avaient été chargés par la SNCF de surveiller le transport des batteries car dans cette période les vols étaient nombreux, que les batteries étaient une cible facilement transportable. D'ailleurs, ils pouvaient montrer des papiers d'identité qui attestaient de leur domicile à Poitiers. Ils essayaient de préparer les phrases et les mots d'allemand qui leur permettraient de s'expliquer. Mais, dans les collèges l'enseignement de l'allemand était tourné vers la littérature et ni l'un ni l'autre ne connaissait comment on disait batterie en allemand. C'est à ce moment qu'ils ressentirent une secousse qui ébranla le wagon. La locomotive venait d'être attelée au train. Après une minute, une seconde secousse et le train s'ébranla.

Ils échangèrent un regard interrogateur, chacun se demandant comment allait se passer la suite du voyage. Au bout d'un temps, le train s'arrêta dans un crissement de roues sur les rails ce qui les réveilla. En effet, ils avaient vite trouvé que les batteries étaient peu confortables et s'étaient allongés à même le plancher du wagon. Ils entendirent des portes coulisser, des intonations gutturales puis ils identifièrent des mots allemands. Ils reprirent leur position assise sur les batteries et attendirent. Les voix se rapprochaient jusqu'au moment où la porte de leur wagon s'ouvrit. Ils découvrirent plusieurs allemands en arme l'un qui paraissait être leur chef s'adressa à eux et leur dit : « Akkumulators ? » «Ia !, Ia ! Akkumulators ! » répondirent-ils en cœur. Les Allemands ne trouvèrent pas étrange que les batteries fussent accompagnées. La porte se referma. Quand l'inspection fut terminée le train repartit. C'est tout ce qu'ils virent de la ligne de démarcation n'ayant pas eu besoin ni l'envie de la passer pendant la durée de la guerre et au grand jour.

Jean-Claude Raymond
d'après mon père Maurice Raymond, l'un des deux passagers clandestins.

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Dernière modification : 2007-12-05 - 11:48:56

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