A la Croisée de l'Anjou, de la Touraine et du Poitou
La Politique du Père Ameteau
Conversation sur le marché
par Jean-Claude Raymond
Table des matières
Eh bien, père Ameteau, comment va la politique ?
Le père Ameteau. ( Il habite Richelieu). La politique ! ma foi, je m’en occupe guère , c’est une fièvre pernicieuse qui nous fait tous tourner en bourrique, comme dit notre conseiller général.
Premier électeur.- Il parle donc, votre conseiller général !
Le père Ameteau.- Parbleu ! et bien encore. C’est un malin qui connaît les affaires, qui sait dire ce qu’il pense et défend comme pas un les intérêts du canton. En voilà un qui ne se laisse pas mener par les coteries et les gros bonnets. Quand un de ses adversaires veut faire croire au Conseil que des vessies sont des lanternes il sait joliment bien lui river son clou.
Premier électeur .- Tiens, c’est drôle. Le nôtre, y dit jamais ren [rien] mais y [il] vote si bien et puis c’est un si brave homme.
Le père Ameteau.- Ils me font rire avec leurs machines à voter qui votent sans dire pourquoi. Pourquoi qu’on ne me nomme pas conseiller général alors, ou député, ou sénateur ? J’aimerais mieux sénateur, on est inamovible. S’il ne s’agit que de se croiser les mains sur le ventre et se taire, nous n’avons besoin de personne. Mais c’est alors un mandat bien inutile. Que votre conseiller général aille planter ses choux ailleurs que chez nous.
Premier électeur.- Que que vous voulez [que voulez-vous] ? Nous le renommerons tout de même. C’est vrai qu’il n’est pas ben [bien] fort et qui connaît point l’administration. Mais c’est un si brave homme et puis il a du bien au soleil.
Le père Ameteau.- Des braves gens, il y en a beaucoup dans le pays, heureusement. Ce qui nous manque, c’est des hommes de tête, des administrateurs sérieux, au courant de leurs devoirs, capables de discuter toutes les questions importantes, de faire entendre au Conseil une voix autorisée qui plaide en notre faveur. Les braves gens sans opinion, sans connaissance des lois, sans valeur personnelle ne font qu’encombrer les assemblées et n’aident point à chercher les meilleurs moyens de concilier les intérêts de chacun. Quant à la richesse, elle ne donne pas de l’énergie aux poltrons, ni du talent à ceux qui n’en ont pas.
Premier électeur.- V’avez [vous avez] raison. Ça me ferait ben [bien] plaisir de savoir ce que pense mon conseiller général, ce qu’il fait pour nous et s’il ne dit ren [rien], s’il ne fait ren [rien], comment le saurai-je et à quoi qui sert [à quoi sert-il] ?
Le père Ameteau .- A-t-il de l’influence au moins, obtient-il des secours de la préfecture et du ministère, vous rend-il service en faisant avoir des places à vos enfants ou en aidant ceux qui sont déjà casés ?
Premier électeur .- Pour ça non, voilà près de quatre ans que je lui ai demandé une place pour mon fils dans les chemins de fer. Il m’a promis, mais le gas [gars] est toujours là qui mange mon pain et qui fait ren [rien]. On dit que c’est la faute à la République qu’il [n']aime pas du tout.
Le père Ameteau.- Eh ben [bien], mon cher, si j’étais à votre place, je tâcherais de trouver un homme du pays qui serait arrivé par son travail à une bonne place et qu’aurait des amis et je lui dirais : eh ben [bien], vous qui savez faire les affaires des autres et pis [puis] qui connaissez du monde partout, voulez-vous faire nos affaires aussi ? Nous allons vous nommer.
Premier électeur .- Oui, v’avez [vous avez] raison, mais c’est pas facile à trouver des gens qui voulont [veulent] faire nos affaires. J’en trouvons ben [bien] qui voulont [veulent] ren [rien] faire parce que c’est pas difficile mais on n’en trouve pas souvent d’autres. Et pis [puis], comment que vous voulez [comment voulez-vous] que je [nous] trouvions dans le canton un monsieur qui connaisse toutes les affaires d’administration, qui connaisse le préfet, le général, les juges, les ministres et tout le tremblement.
Le père Ameteau.- Bast, cherchez toujours, vous trouverez peut-être.La Gazette loudunaise du 17 juin 1883
Cette conversation aurait été entendue sur le marché de Loudun.
Contrairement
à ce qui est dit, s'agit-il d'une véritable
conversation ou plutôt
un artifice pour montrer les insuffisances du
député de Loudun. On remarquera aussi la
différence entre le père
Ameteau et l'électeur. Le père Ameteau semble un
personnage éclairé. L'électeur se
contente de voter pour
un monsieur qui a du bien. Faut-il voir là une critique du
Loudunais comparé au Richelais ?
Pour
répondre à ces questions, il faudrait
connaître les conseillers
généraux de Loudun et de Richelieu en 1883 et
leur valeurs respectives, comparer le comportement des
électeurs de ces deux circonscriptions.
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Dernière modification : 2008-01-09 - 10:38:51
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