Union
sportive : La Roche-Rigault — Loudun
La
Roche-Rigault : la merveilleuse
épopée sportive...La Roche-Rigault :la
merveilleuse épopée sportive...
Les 24, 25 et 26
septembre 1939, environ 2600 Audunois arrivent en Loudunais. Ils seront
logés dans la ville et toutes les communes environnantes.
Claunay et Le Bouchet accueilleront plusieurs familles.
Combien ? Une liste d'allocataires retrouvée aux
archives départemenales par Monsieur Garault, maire de la
Roche-Rigault, et datée du 1940-01-20, comporte une
soixantaine de noms. Mais cette population sera très
mouvante. Le recensement des logements libres, effectué
dès avril 1939, a été trop
approximatif et de nombreux réfugiés en surnombre
et mal logés quittent la commune.
Des personnes dignes
de foi ne se souviennent que des familles Braschi, Cicci, Calandrini,
Doldi. Frulloni. Gatti, Ioppi, Mackowiak. Mancini, Martinelli, Pancera,
Pazzaglia, Pompermyer, Quenzi, Sbroglia, Balagna, Moench, Kaiser,
Kapweiller, Turchi, Rascopf, Nous ne possédons aucune
précision sur la durée de leur séjour;
certains regagneront leur région dès mai 1940;
environ 2 000 repartiront en novembre de la même
année.

Champions de la Vienne saison 1941 (1ère division)
Noms des joueurs de cette photo.
A
la Coopérative, on embauche...
En septembre 1939,
à la Roche-Rigault, hameau partagé par la route
de
Loudun
à
Monts-sur-Guesnes
entre les communes de Claunay et du
Bouchet,
une coopérative agricole a été
fondée depuis peu. Un silo a été
construit. Un second s'avère nécessaire. Le
directeur de cette coopérative. Monsieur
Amédée Criton. procède à de
nombreuses embauches. Des réfugiés mosellans
seront du nombre. Combien ? Là encore, les archives
sont introuvables. On ne peut se fier qu'à la
déclaration de François Maestroni :
Les Audunois trouvent du travail à la
coopérative de La Roche-Rigault.
Avec les autres Audunois, ils construisent le silo. J'étais
coffreur.
Parmi ces
jeunes gens embauchés, certains, aux heures de loisir, se
révèlent des footballeurs de grand talent.
Le
début de la belle aventure...
A la Roche-Rigault, on
jouait au football avant la déclaration de guerre, sur un
terrain situé sur le bord de la route de Monts-sur-Guesnes,
à proximité des hameaux de Genèton et
Turzay. Très vite, une équipe est
constituée.
Dès 1941,
La Roche-Rigault est championne de la Vienne. Sur 11 joueurs, 10 sont
Mosellans. ils se nomment Créola, Mancini, les
frères Gunther, Bourson, Mahillon, Doldi, Maestroni puis
Mangeneau, les frères Sbroglia, Pompermeyer.
La
nécessité d'un stade plus grand...
En peu de temps,
l'équipe de la Roche-Rigault acquiert une
réputation telle que les surfaces de touche
s'avèrent trop restreintes pour accueillir les spectateurs
qui affluent. C'est alors que Monsieur Criton tente un rapprochement
avec le club de Loudun qui se nomme, alors, l'Union Sportive des
Cheminots Loudunais (USCL), club omnisport créé
en 1933.
Le 4 juin 1941, le
Directeur de la Coopérative de Claunay est invité
à l'assemblée générale de
l'USCL. Il est décidé que l'équipe de
la Roche-Rigault disposera du terrain lorsque l'USCL sera en
déplacement. Il est également convenu que
Monsieur Criton devra verser un pourcentage de 10% sur les recettes. Il
propose de participer à la remise en état du
terrain dit « de la Poudrière »,
endommagé par la construction de trois baraquements. Mais
bien des querelles éclateront qui auront pour origine la
répartition des recettes, le recrutement des jeunes, les
horaires des entraînements et des matches.
Un
évènement retentissant...
Malgré
tout, l'Équipe
du hameau accomplit des prouesses dont le retentissement
se répand dans le pays. Inscrite en Coupe de France, elle
élimine successivement Poitiers (3-0),
Châtellerault (3-0), Cognac (5-2), Cholet par forfait et
Orléans (9-0).
Le 4 janvier
1942, à Tours, La Roche-Rigault est opposée
à la meilleure équipe de France, le Red Star de
Paris avec ses vedettes Da Rui (issu d'Audun-le-Tiche), Simonyi,
Aston… Elle s4incline très honorablement, 5
à 2, devant 4 300 spectateurs. Parmi les autres
clubs participant à ce tour de la Coupe de France on trouve
le RC Paris, le Stade Français, le Stade Rémois,
Le Havre AC…
La
Roche-Rigault s'est hissée parmi les grands du football
français.
Vers
la fusion…
Une défaite
à un tel niveau signifie un succès pour le
président du
club du hameau. Cet évènement
sportif va provoquer, le 9 janvier 1942, une réunion
extraordinaire durant laquelle une forte proportion de dirigeants de
l'USCL donnent leur démission. Certains sont
lassés des tiraillements entre les deux clubs, les autres
désirent leur fusion. Le soir même, il est
procédé à de nouvelles
élections. Sont élus MM Delavault,
Richard. Hiquet, Lebeau, Decosse. Delaplanche, Roullier. Grosbois,
Gouillé, Lemercier. Letestu, Audran, Goigoux, Boisnier,
Suaud. La fusion est votée par 36 voix contre 26. Elle ne
sera effective que le 18 novembre 1942. Monsieur Godrie en sera le
président, Monsieur Criton, le directeur sportif. Le nouveau
club s'appellera l'
Union
sportive La Roche-Rigault—Loudun.

Union Sportive La Roche-Rigault_Loudun : dirigeants et
joueurs. ©Pierre Decosse
Union Sportive La Roche-Rigault_Loudun : dirigeants et joueurs.
Et
la fête continue…
Les soucis du
comité de direction n'ont apparemment pas diminué
l'ardeur des joueurs. Succès et parfois défaites
se succèdent contre des clubs de grande valeur. Des
rencontres de gala s'intercalent entre les matches de coupe et de
championnat.
Quelques
résultats :
- Pâques 1942 : Match nul contre Le Havre
(1 -1 ).
- 10 mai 1942 : Victoire devant l'AAJ Blois en
finale de la Coupe du Centre (2-1).
- Noël 1942 : Victoire sur Angers (4-1).
- 14 février 1943 : Victoire contre
Angoulême (3-1).
- -20 septmbre 1943 : Défaite contre le
Racing Club de France (2-3).
- 5 décembre 1943 : Défaite en
Coupe de France contre Bordeaux (5-6).
- 11 avril 1944 : Match amical : victoire contre le
Red Star (4-1) (arbitrage de Monsieur Braschi).
Ajoutons
à ces résultats les sélections
départementales de A. Créola,
J. Gunther, R. Mancini, V. Genson
(capitaine), E. Bourson, J. Doldi,
F. Maestroni, et les sélections
régionales de Mancini, Mangeneau, Bourson, Doldi, Maestroni
et Genson (Poitou et Centre).

Julien Da Rui, originaire d'Autun-le-Tiche, gardien de
l'équipe de France de Football,
fêté par ses amis de l'Union Sportive La
Roche-Rigault-Loudun (1941-08-05). ©Pierre Decosse.
La fête
sportive semble s'être arrêtée au
printemps 1944. La France pense à sa libération.
Les derniers Mosellans nous quitteront le 3 décembre 1944.
Seuls resteront parmi nous ceux qui auront trouvé
l'âme sœur.
Que
sont-ils devenus ?
Un ami audunois,
fervent supporter de cette équipe mythique, se souvient :
les frères Gunther, Maihllon, les frères
Créola rentrent au pays comme V. Genson, le capitaine, qui
reprend son poste d'instituteur. René Mancini
épouse une jeune fille de Claunay. François
Maestroni, Jean Doldi, Octave Sbroglia et Eugène Bourson
entameront une brillante carrière professionnelle.
Quelles
sont les raisons d'une si belle aventure ?
On peut y voir la
conjonction de 3 facteurs déterminants :
tout d'abord, le talent des joueurs qui représentaient,
paraît-il, une sélection de plusieurs petits clubs
de la région d'Audun, ensuite la haute autorité
morale du capitaine Genson, stratège de grande envergure, et
enfin le dynamisme et la passion du directeur sportif,
Amédée Criton.
Les anciens
réfugiés y voient une autre raison que l'on
découvre à la lecture d'un texte dont on ignore
l'auteur, texte intitulé : « II était
une fois dans le journal Centre Ouest.
Voici quelques extraits :
La
Roche-Rigault ! Ce nom d'un « hameau
» du Poitou évoque toute une époque
pour les Audunois... Grâce au football et grâce
à quelques anciens
footballeurs, l'exil des Audunois fut moins dur. A des centaines de
kilomètres de leur cité, les
« mineurs de fer » avaient au
travers du
club, cette cellule indispensable à la vie de tous,
reconstitué Audun
[...], un Audun idéal, un Audun dont aiment à
parler ceux qui l'ont
connu et ceux qui ont participé à son
extraordinaire épanouissement…
Tous ces émigrés ont réussi la
propagation d'un idéal sportif, le
divertissement de toute une population locale [...], et
cristallisé
tous les espoirs d'une population déplacée qui ne
baissait pas la tête;
voilà cet épisode glorieux, le plus glorieux
peut-être du club.
Quant
à nous, enfants ou jeunes gens de la guerre, qui sommes ou
serons bientôt des octogénaires, que les
générations qui nous ont
succédé essaient de comprendre notre nostalgie :
ces merveilleux footballeurs étaient nos Zidane. Dans cette
époque morose et oppressante, ils nous ont
apporté de grands moments d'exaltation et de rêve.
Il était bien temps, 65 ans après, de manifester
notre reconnaissance.
Alain Delaunay


