A la Croisée de l'Anjou, de la Touraine et du Poitou
Abbaye royale de Fontevraud
La Cuisine
par Jean-Claude Raymond
Chacun peut voir aujourd'hui la belle cuisine du XIIe siècle de l'abbaye de Fontevrault (Maine-et-Loire), cuisine qui existe encore mais qui passe pour une chapelle funéraire ; ce qui prouve notre parfaite intelligence des choses et des habitudes du Moyen Âge.
La cuisine de cette ancienne abbaye est décorée, à l'intérieur, de chapiteaux portant des arcs disposés d'une façon parfaitement appropriée à l'usage auquel est destiné le monument. À Fontevrault, mieux qu'à Vendôme, la place des foyers est indiqué à l'extérieur. Les cheminées, qui occupent cinq côtés de l'octogone, forment autant de grandes niches saillantes comprises entre les contre-forts (voyez la plan de cette cuisine ( fig. 7). Ces cinq cheminées étaient autrefois surmontées de tuyaux aujourd'hui détruits et bouchés. Quatre des colonnes engagées portent quatre arcs doubleaux dont les clefs sont contre-buttées par quatre petits arcs boutants intérieurs A. La fumée qui ne prenait pas son cours naturel par les tuyaux B trouvait, au-dessus de trois de ces quatre arcs doubleaux, des tuyaux destinés à l'attirer au dehors. Au-dessus des quatre arcs doubleaux sont bandés quatre petits arcs faisant passer le plan du carré à l'octogone ; dans les angles formés par ces quatre petits arcs étaient ouverts trois tuyaux C destinés à enlever l'excès de chaleur ou de fumée. Puis enfin un gros tuyau central D, ouvert au sommet d'une pyramide à huit pans, faisait échapper la buée qui pouvait se former dans la cuisine. Tous ces tuyaux, excepté celui du centre ont été détruits.
La fig. 8 donne, en A, la coupe de cette salle sur la ligne KL ; en B, la coupe sur la ligne MN, et, en C, la coupe sur la ligne OP du plan ci-contre. Autrefois, des ouvertures pratiquées dans les deux murs B éclairaient l »'intérieur de cette cuisine, dont l'entrée est en S.
La figure 9 donne l'élévation extérieure de la cuisine de Fontevrault. Nous avons cru devoir rétablir les tuyaux détruits, mais dont la place est parfaitement indiquée.
Aujourd'hui nous sommes visiblement loin des temps barbares où l'on savait satisfaire aux besoins vulgaires de la vie ; dans nos châteaux et nos grands établissements publics, nous plaçons nos cuisines au rez-de-chaussée ou dans les caves, de façon à répandre dans le logis l'odeur nauséabonde qui s'échappe des ces officines; ou bien, si nous les disposons dans des logis séparés, les règles de la bonne architecture veulent qu'elles occupent les communs, c'est-à-dire des ailes presque toujours éloignées du corps de logis principal, si bien qu'il faut apporter les mets à travers de longs couloirs, dans des barquettes, et que tout ce qui est servi sur table ne peut conserver qu'une fade tiédeur entretenue par des réchauds.
Les cuisines sont, pendant le moyen âge, dans les palais ou les monastères habités par un grand nombre de personnes, une construction importante ; c'est qu'en effet la cuisine compte bien pour quelque chose dans la vie de chaque jour. Les exemples que nous venons de présenter sont de véritables monuments, bien conçus, parfaitement exécutés ; on voit comme les architectes de ces bâtiments ont cherché à obtenir une circulation d'air très active ; en effet, non seulement l'air est nécessaire à l'entretien d'aussi grands foyers, mais il contribue encore à la qualité des aliments exposés à la cuisson. Le séjour de pareilles cuisines ne pouvait être malsain. Les architectes du XIIIe siècle devaient nécessairement perfectionner ces dépendances des monastères et des châteaux. »
Viollet le Duc
in Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle
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Dernière modification : 2007-11-21 - 15:27:27
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