Aranei-Orbis
A la Croisée de l'Anjou, de la Touraine et du Poitou
France pittoresque
Département de la Vienne
Ci-devant Haut-Poitou

par Abel Hugo

Préambule

Ci-dessous, le texte complet concernant le département de la Vienne, extrait du livre d'Abel Hugo, la France pittoresque, tome III.—29, pages 225 à 232, Delloye, éditeur, place de la Bourse, Paris (13e), 1835. Les gravures manquent pour l'instant.

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Faire attention : les milliers sont séparés par des virgule comme cela se fait toujours dans le monde anglosaxon.

Table des matières

HISTOIRE.
ANTIQUITES.
CARACTERES, MŒURS, ETC.
COSTUMES.
LANGAGE.
NOTES BIOGRAPHIQUES.
TOPOGRAPHIE…
METEOROLOGIE.
HISTOIRE NATURELLE.
VILLES, BOURGS, CHATEAUX, ETC.
VARIÉTÉS.
DIVISION POLITIQUE ET ADMINISTRATIVE.
POPULATION.
GARDE NATIONALE.
IMPOTS ET RECETTES.
DEPENSES DEPARTEMENTALES.
INDUSTRIE AGRICOLE.
INDUSTRIE COMMERCIALE.
BIBLIOGRAPHIE.

HISTOIRE.

             Les habitans [sic] du Poitou prétendent tirer leur origine des Scythes par les Pictes, qui s’établirent dans le pays connu plus tard des Romains sous le nom de Pictavia. Publius Crassus, lieutenant de César, soumit cette province. César y vint ensuite lui-même, et y établit l’administration romaine. Auguste plaça la Pictavie dans la Gaule aquitanique. Les Pictons traités avec douceur par les Romains, embrassèrent leur parti, et prirent les armes contre les Andegavi (Angevins). Dans cette guerre, ils eurent à soutenir dans leur capitale un long siège. Le pays des Pictons fut compris dans la seconde Aquitaine, sous l’empereur Honorius.  Lors de l’invasion des barbares, le Poitou ou la Pictavie devint la conquête des Visigoths, qui le conservèrent jusqu’en 509.  Il fut ravagé successivement par les Allemands et par les Huns. Bientôt la guerre s’alluma entre les Visigoths et les Francs ; Théodoric, roi d’Italie, ménagea entre ces deux peuples une paix conclue à Amboise ; mais qui fut de courte durée.  Clovis, roi des Francs, fut appelé par les habitants de Poitiers pour les délivrer de la domination d’Alaric II, roi des Visigoths ; une sanglante bataille eut lieu à Vouillé [en 507], près de Civaux sur la Vienne [c'est une erreur ; Vouillé se trouve à 17 km àClovis, le Poitou suivit le sort de l’Aquitaine, et tomba en partage à Clotaire Ier. Sigebert, son successeur , laissa le royaume d’Aquitaine à son fils Childebert, âgé seulement d’un an. Gontran, oncle de l’enfant s’empara du Poitou pendant sa minorité.  En 585, Childebert, parvenu à un âge plus avancé, fut mis, non seulement en possession du Poitou, mais encore, douze après, du royaume de Bourgogne et d’Orléans, dont il hérita de son oncle Gontran, mort sans enfants. En 618, et après la mort des fils de Childebert, le Poitou fut réuni à la France sous Clothaire II.  Dans le VIIIe siècle, les Sarrasins furent vaincus par Charles Martel dans les plaines de Poitiers et rejetés en Espagne. Cette victoire fameuse sauva l’Europe de la domination musulmane. Plus tard, le même champ de bataille fut témoin de la fatale défaite du roi Jean. Le Poitou, érigé en comté par Charlemagne, fut placé dans la dépendance du duché d’Aquitaine.  En 1152, cette province, par le mariage d’Éléonore d’Aquitaine, passa au pouvoir de Henri II, roi d’Angleterre.  Philippe-Auguste la conquit en 1206.  Elle fut cédée aux Anglais par le traité de Brétigny, en 1360, et n’ap l'O.- N.-O. de Poitiers et Civaux s'en trouveà 30 km au S;-E.]. Les Visigoths furent vaincus, et leur roi fut tué de la main de Clovis. Tous les biens qui, dans le Poitou, avaient appartenu aux temples du paganisme, aux Juifs et aux Ariens, furent alors donnés par le vainqueur à l’évêque et à l’église de Poitiers.  A la mort de partint définitivement à la couronne de France que sous Charles V, où Duguesclin en fit la conquête.  Charles IX y établit un gouvernement particulier qu’il donna à Guy de Daillon, comte de Lude.  Henri IV nomma un lieutenant général pour toute la province, et lieutenant particulier pour la ville de Poitiers.  Louis XIII divisa le Poitou en deux parties. Poitiers devint la capitale du Haut-Poitou, et Fontenay celle dus Bas-Poitou.  Ce pays eut beaucoup à souffrir des guerres de religion. En 1793, 94 et 95, il fut aussi en partie le théâtre de la guerre vendéenne.  En 1790, le Poitou a été divisé en trois départements : la Vienne, les Deux-Sèvres et la Vendée.

ANTIQUITES

          Les monuments druidiques sont multipliés dans le département, et principalement dans l’arrondissement de Poitiers : on trouve des dolmens à Nouaillé, à Alonne, à Andillé, à Château-l’Archer [Château-Larcher] et à Liaigne ; ils sont principalement placés sur de petites éminences ; on les nomme dans le pays pierres-levées. Le plus remarquable est celui qui est près de Poitiers, et sous lequel, du temps de Rabelais, les écoliers de l’université allaient faire de gais repas. Sa pierre supérieure, soutenue par cinq autres pierres brutes, a environ 20 pieds de long sur 17 de large.  La longueur des pierres supérieures des autres dolmens de la Vienne varie de 9 à 25 pieds, c’est-à-dire qu’il y en a de grande dimension. On trouve aussi dans le département quelques menhirs (ou pierre debout) ; le plus élevé a 28 pieds de hauteur, près du Vieux-Poitiers. On en voit un de forme presque pyramidale sa hauteur est d’environ 12 pieds, et sa largeur à sa base de 5 pieds et quelques pouces ; il est remarquable en ce qu’il porte une inscription latine qui y a sans doute été gravée, postérieurement à son érection.

             Dans la commune de Naintré, à deux lieues au sud de Châtellerault, entre le Clain et la Vienne, on trouve quelques pans de mur d’une haute antiquité ; ils sont d’une épaisseur considérable, et, comme on peut le voir dans les parties qui ne sont pas dégradées, ils étaient revêtus de petites pierres cubiques, et par intervalles de plusieurs rangs de briques. Le ciment qui lie les pierres entre elles est plus dur que la pierre elle-même. Il y resterait, d’après Peuchet et Chanlaire, un portique dont la hauteur est d’environ 24 pieds, et sa largeur de 8   (1). Le terrain d’alentour, dans une circonférence d’environ 1,000 toises, est jonché de débris de tuiles, de briques, de colonnes, de chapiteaux, de frises, de corniches d’ordre corinthien ; on y déterre fréquemment des médailles et des monnaies romaines. Cet endroit, connu sous le nom de Vieux-Poitiers (Vetus-Pictavis), a été regardé par quelques savants comme l’ancienne capitale des Pictones. Cependant, comme on ne trouve aux environs aucun de ces monuments utiles ou agréables, aqueducs, amphithéâtres, etc., dont les Romains avaient coutume d’embellir les cités capitales des peuples qui leur étaient soumis, d’autres savants prétendent que le Vetus-Pictavis a dû être originairement un des camps nommés vetera, où les Romains entretenaient des troupes pour maintenir les peuples dans la soumission. Il est certain qu’une voie militaire, qui conduisait de Poitiers (Limonum) à Tours (Cesarodunum), passait près de ce lieu. Des colonnes milliaires découvertes dans le cimetière du village de Cenon, voisin de Vieux-Poitiers, en sont la preuve.

             Les savants ne sont pas d’accord sur l’époque à laquelle le temple de Montmorillon (voyez plus loin, page 229, [voir en fait le paragraphe Montmorillon au chapitre Villes, bourgs, châteaux, etc.].). Les uns veulent que ce soit un édifice druidique, d’autres un baptistère chrétien. — L’origine de l’église de Saint-Jean à Poitiers a donné lieu à plusieurs controverses ; on a attribué sa construction successivement aux Gaulois et aux Romains. On a dit aussi que c’était un baptistère, le premier qu’aient eu les chrétiens de la ville de Poitiers. Son architecture et ses ornements en mosaïque prouvent d’ailleurs son antiquité. Poitiers renferme des antiquités romaines.

             Quelques belles églises gothiques, la porte du pont Joubert à Poitiers, le petit château à tourelles qui sert de porte à Châtellerault, les ruines d’anciennes forteresses, parmi lesquelles on remarque le château de la fabuleuse Mélusine à Lusignan, etc., sont les principaux monuments qui restent de l’époque du moyen-âge.

CARACTERES, MŒURS, ETC.

             Les habitants de la Vienne sont naturellement bons, doux et faciles ; mais leur gaîté va quelques fois jusqu’à l’insouciance et leur amour pour le repos jusqu’à l’inertie. Ils aiment la danse et le plaisir, surtout celui de la table, que leur pays abondamment pourvu de gibier, de poisson et de vins, leur permet de satisfaire. Dans l’habitude commune de la vie, ils ont de l’ordre, de l’économie et même de la parcimonie ; mais quand il s’agit de recevoir des amis ou de faire accueil à des étrangers, l’esprit cède la place à une noble et généreuse hospitalité. C’est une qualité générale ; chacun en fait preuve selon ses moyens : l’habitant des villes par une espèce de luxe, le simple cultivateur par de l’empressement et de la bonne volonté qui suppléent aux ressources qui lui manquent. — L’habitant des campagnes se montre en toute circonstance invinciblement attaché aux usages et aux préjugés de ses pères, il est rebelle aux perfectionnements. Son indocilité et son entêtement l’empêchent de profiter des nouveaux procédés des arts. Il aime ses foyers, son village et sa famille. Il est religieux par habitude et par éducation, et tolérant par suite de son naturel, sensible, fier et indépendant ; mais cette tolérance qu’il accorde aux autres il veut en jouir lui-même, et il considère même comme une persécution les instances qu’on lui fait parfois, dans son intérêt, d’abandonner quelque vieille méthode de culture sans efficacité, ou d’essayer l’usage d’instruments aratoires plus perfectionnés.

             Les Poitevins sont de braves soldats, peu fanfarons, mais fermes dans les périls et aussi propres à soutenir un choc vigoureux qu’à l’imprimer. — Ils ont donné des preuves de leur courage et de leur aptitude à supporter les fatigues et les privations de la guerre dans les mémorables campagnes de la révolution et de l’empire. Ils s’étaient d’ailleurs montrés les mêmes à toutes les époques de notre histoire, soit pendant les guerres féodales, soit pendant les guerres civiles. Ce sont les Poitevins et les Saintongeais, leurs voisins, qui ont fait gagner à Henri IV la mémorable bataille de Coutras. Nous citerons à ce sujet un curieux passage du vieux d’Aubigné. Les Gascons avaient lâché pied ; la cavalerie commandée par Turenne et par La Trémouille avaient été enfoncée par les escadrons du duc de Joyeuse. Ceux-ci se croyaient déjà sûrs de la victoire, lorsqu’ils trouvèrent des gens qui ne s’étonnèrent pas . « Ceux-là, dit d’Aubigné, acteur et spectateur dans le combat, ont rendu pour cause de leur étonnement, une opinion posée en l’esprit de plusieurs ; que pour les combats particuliers, les réformés (2) faisant merveilles estoient incapables pourtant de gagner les batailles. Voilà de quel poids sont les préjugés qui ne se relèvent que par des testes bien ferrées, comme il s’en trouva ce jour auprès de Bourbon, car, quand toutes ses premières troupes passaient en confusion derrière les autres, on oïoit dans les salades. Si n’est-ce pas fait, car il faut parler à nous. Or, comme il y a de la jalousie entre les nations, les Xaintongeais et les Poictevins, irrités des fréquentes louanges que le roi de Navarre donnait à tous propos à sa nation (3) , Montausier et Vaudoré voyans en route (déroute) la troupe du vicomte s’écrièrent tout haut : Ce ne sont là ni Poictevins, ni Xaintongeais ; nulle harangue ne pouvait valoir celle-là ; car au lieu que c’était un exemple pour la fuite, il le fut d’émulation. Les Poictevins et les Xaintongeais serrent les dents et le poing, et il y en eut des deux troupes, entre autres Longchamps, qui entamèrent le gasteau douze pas avant leurs compagnons, etc. »

             Les Poitevins des deux sexes sont généralement bien constitués. Ils ont la peau blanche et fraîche, les yeux noirs ou pers, les cheveux d’un noir remarquable ; il est peu de pays où les hommes blonds soient en aussi petit nombre. Les dames poitevines ont de la beauté, mais leur beauté brille plus par l’éclat et la grandeur que par la grâce. Leurs formes sont celles de la Flore antique ou de la Vénus d’Arles [visible au Louvre à Paris] plutôt que celles de la Vénus de Médicis. Elles ont d’ailleurs un caractère vif et animé, un esprit varié, une manière de s’exprimer claire, agréable, et une grande amabilité. L’empire qu’elles savent obtenir de leurs attraits personnels et par les charmes de leur conversation est profond et durable, de grands exemples historiques le prouveraient au besoin. La chasseresse des rois (Diana venatrix regum), cette femme dont la beauté protesta si longtemps et avec succès contre les années ; qui passait d’un roi à son successeur, comme un joyau de la couronne, Diane de Poitiers enfin ; la belle et spirituelle duchesse de Montespan ; son habile et sage rivale Françoise d’Aubigné, étaient des dames poitevines. « Si j’étais roi, dit à ce sujet un auteur qui a visité le Poitou, je me garderais des femmes du Poitou, mais j’aimerais à être gardé par les hommes de cette loyale contrée. » En effet, les soldats poitevins se sont toujours montrés aussi fidèles que braves.

             A ces traits généraux, nous ajouterons quelques détails particuliers empruntés aux divers écrivains du pays qui ont le mieux appréciés les mœurs, les habitudes et la constitution des populations des diverses localités.

             « Les habitants des plaines du Mirebalais et du Loudunais, qui respirent un air pur, sont grands et bien faits ; au contraire, ceux qui habitent les marécages de la Dive et de la Palu, sont affectés de fièvres et n’ont ni la même force ni la même activité .

             « Les habitants de Loudun sont honnêtes, affables et amis du plaisir.

             « Les habitants des parties boisées (arrondissement de Mont-Morillon et de Civray), disséminés dans des maisons éparses çà et là, ont peu de communications entre eux et sont généralement sauvages, ignorants et grossiers.

             Les habitants de Poitiers, amis des lettres et des sciences, mais plus apathiques  que dans le reste du département, ont peu d’industrie. — L’activité de la ville est entretenue par les affaires multipliées qu’y attirent la centralisation administrative et les tribunaux. Le goût du commerce autre que celui des denrées provenant du sol est peu répandu. Les mœurs, dans certaines familles, y ont encore une teinte patriarcale, on y aime l’économie, mais y pratique avec franchise l’hospitalité. — Les jeunes gens studieux y sont bien vus et bien accueillis, et on remarque dans toutes les classes de la population un penchant prononcé pour les plaisirs intellectuels.

             Les habitants de Châtellerault sont actifs, persévérants, industrieux. — Ils montrent de l’intelligence pour les travaux mécaniques, des dispositions aux sciences exactes et de l’aptitude pour le commerce. On les accuse d’être un peu intéressés en affaires ; mais on rend justice d’ailleurs à leur probité naturelle.

COSTUMES.

             Le costume des paysans a peu varié depuis de longues années . — Les hommes ont les jambes couvertes de guêtres de toile sans boutons, et pour chaussures des sabots ou des souliers ferrés, dans lesquels leurs pieds sont à nud [sic] en toutes saisons. Les jours de fêtes, ou en voyage, ils portent une ou deux vestes d’une grosse serge grise, qui se fabrique dans le pays, avec un gilet de même étoffe. Pour le travail, ils ont un surtout de toile ou de mauvaise étoffe sur le gilet. Les femmes tressent leurs cheveux et les cachent entièrement sous une cornette très simple qu’on nomme cayon. Elles s’habillent aussi de serge, et les plus élégantes d’étamine bleue. Elles portent, sur leur corset, un casaquin à manches plates, avançant jusqu’à la moitié de l’avant-bras, avec des basques qui débordent de quelques doigts sur le jupon. Lorsqu’elles vont à l’église, ou à un village voisin, elles se couvrent la tête d’une cape de grosse étoffe grise ou bleue, à capuchon, comme les pelisses des dames de la ville, et de la même longueur ; quelques-unes ont une mante de laine rayée de noir et de rouge. Autrefois elles portaient, à la place de cette cape, un simple morceau d’étoffe long et étroit, posé et drapé en voile sur la tête et les épaules. L’hiver, elles sont communément chaussées de bas de laine bleue, avec des sabots ou des galoches à semelles de bois. Dans l’été, elles vaquent à leurs travaux nu-jambes, et même nu-pieds.

LANGAGE.

             En nous occupant du département des Deux-Sèvres, nous avons parlé du patois poitevin qui est aussi en usage dans la plus grande partie du département de la Vienne, et notamment dans les arrondissements de Poitiers, de Civray et de Loudun. Les paysans de l’arrondissement de Châtellerault et d’une partie de celui de Montmorillon parlent un français incorrect, mêlé d’anciennes expressions du XVIe siècle, telle qu’on en trouve dans Amyot. Leurs articles et pronoms, et surtout leurs démonstratifs, ont un caractère étranger qui, quelques fois, semble indiquer une étymologie italienne. Ils mouillent aussi,  comme les Italiens, le g et l’l réunis ; et prononcent ou la plupart des o. Ils font sentir fortement la lettre e dans tous les mots ou s’emploie la voyelle composée eau, et suppriment l’i dans les terminaisons en ien, comme dans soutien, chien, etc. — Au surplus, leur langage et leur costume n’ont rien du langage ni du costume poitevins, et se confondent plutôt avec ceux du Berry et de la Touraine. Leur manière de parler est très accentuée.

NOTES BIOGRAPHIQUES.

             A toutes les époques, le pays qui forme aujourd’hui le département de la Vienne a produit des hommes distingués. Nous citerons quelques-uns en remontant jusqu’à l’époque romaine. Exuperance, frère de Quintilien, et préfet des Gaules ; l’illustre Saint-Hilaire, ; évèque [sic] de Poitiers ; Maximin évèque [sic]de Trèves, un des orateurs remarquables du concile de Nicée ; le cardinal Jean Balue, ministre de Louis XI, célèbre par sa haute fortune et par sa chute ; l’annaliste Jean Bouchet ; la savante famille des Sainte-Marthe dont un des membres Gaucher Scévole de Sainte-Marthe, figure honorablement parmi nos anciens jurisconsultes et nos anciens poëtes [sic] ; le savant Ismaël Bouillaud ; Filleau de la Chaise, célèbre aussi, dans le XVIIe siècle, par sa science  et par son érudition ; l’historien Chevreau, qui fut secrétaire de la reine Christine ; Michel Lambert, fameux musiciens du XVIIe siècle ; le père de la presse périodique en France, Théophraste Renaudot, médecin en réputation, qui, en 1631, fonda la Gazette de France et en fut le premier rédacteur ; Augustin Nadal, auteur tragique du XVIIIe siècle ; Le Roy, ouvrier et correcteur d’imprimerie, qui vers le milieu du siècle dernier [18e] composa un excellent traité de l’orthographe française.

             Parmi les hommes de l’époque contemporaine, nous nommerons le marquis de Ferrières, membre de l’Assemblée constituante, auteur de divers ouvrages, et entre autres de curieux mémoires sur les premiers temps de la Révolution ; le conventionnel Thibaudeau, connu depuis comme administrateur habile et par d’utiles travaux historiques ; l’émigré Phelippeaux, qui dirigea avec tant d’habileté et de talent la défense de Saint-Jean d’Acre contre Bonaparte, son ancien condisciple à l’école miliaire ; Gilbert, agronome distingué, membre de l’institut, mort en Espagne dans un voyage entrepris pour ramener en France un troupeau de mérinos et un haras de chevaux andalous. C’est au voyage de Gilbert qu’on doit la belle bergerie royale de Perpignan ; le sénateur Creuzè Latouche, auteur de plusieurs ouvrages parmi lesquels on remarque une bonne Description du district de Châtellerault ; Félix Faulcon, ancien député, auteur de divers ouvrages scientifiques et littéraires ; de Cressac, antiquaire distingué ; Lafontanelle, conseiller à la cour royale de Poitiers, qui a réuni une collection remarquable d’anciennes monnaies françaises ; Siauve, connu pour des recherches curieuses sur les Antiquités du Poitou ; le traducteur de Pomponius Mela, Fradin, ancien député ; les généraux Beauchamp, Rivaud de la Raffinière, Demarçay, etc.

TOPOGRAPHIE.

             Le département de la Vienne est un département méditerrané, tiré du Poitou et du Loudunois, du Mirebalais et des Marches d’Anjou. — Il a pour limites : au nord, les départements de Maine-et-Loire et d’Indre-et-Loire ; à l’est, ceux de l’Indre et de la Haute-Vienne ; au sud, celui de la Charente ; à l’ouest, celui des Deux-Sèvres — Il tire son  nom d’une rivière qui le traverse du sud au nord. — Sa superficie est d’environ 691,012 arpents métriques.

             SOL. – Le territoire présente généralement une surface plane coupée par un très petit nombre de vallées. — Le sol se compose de terres sablonneuses ou crayeuses ; il est généralement peu fertile : cependant on y trouve d’excellents pâturages. — L’arrondissement de Loudun offre les parties les plus grasses et les plus propres à la végétation. — Celui de Châtellerault renferme des bancs considérables de tuf.

             LANDES. – Au nord de Lusignan, et dans le canton de Vouillé, se trouvent des landes et des bruyères, d’une assez grande étendue. Il y en a encore de considérables dans l’arrondissement de Loudun ; mais l’est et le sud du département offrent beaucoup plus de terres incultes : un tiers de l’arrondissement de Châtellerault, plus de la moitié de celui de Montmorillon, et au moins des deux cinquièmes de celui de Civray, sont couverts de landes et bruyères.

             FORÊTS. — Les forêts couvrent à peu près la douzième partie de département : le chêne y est l’essence dominante. Les forêts principales sont celles de la Roche-Posay, de la Foucaudière, de Montoiron [Monthoiron], de Verrières, de Scévol [Scévolle], de Châtellerault, de Plumartin [Pleumartin], et de Groyes [de la Groie].

             MARAIS. — Il existe des marais d’une assez grande étendue dans l’arrondissement de Loudun, sur les bords de la Dive : un canal a été tracé pour leur dessèchement. D’autres marais, formés par des eaux stagnantes de la rivière de la Palu, se trouvent dans le canton de Neuville.

             RIVIERES. – On trouve  un assez grand nombre de rivières. Les principales sont la Vienne, la Charente, la Dive, le Clain, la Gartempe et la Creuse. La Vienne et la Creuse sont seules navigables sur une longueur d’ensemble de 26,000 mètres. — La partie flottable des eaux courantes du département est évaluée à 126,000 mètres. — On doit ouvrir un canal du Poitou qui joindra la Vienne à la Charente par le Clain. — La Vienne a sa source dans la Corrèze, au plateau de Millevaches. Après avoir traversé les départements de la Haute-Vienne et de la Charente, elle arrive dans celui de la Vienne où son cours a environ 100,000 mètres d’étendue. Elle y arrose Availle, l’ile-Jourdain [l’Isle-Jourdain], Chauvigny, Châtellerault, les Ormes et va se jeter dans la Loire. Il existe depuis 1537, un projet de la rendre navigable jusqu’à Limoges. — Le Clain était dit-on navigable en 1600, jusqu’à Poitiers ; il le redeviendra par l’établissement du canal du Poitou. — On a reconnu que la Dive pouvait facilement être rendue navigable, depuis Moncontour jusqu’à son embouchure dans le Thouet.

             ROUTES. -  Le département est traversé par 6 routes royales, au nombre desquelles est la route de 1re classe de Paris en Espagne, par Tours, Poitiers et Bayonne [devenue RN 10]  ; et possède 4 routes départementales : on évalue à 524,000 mètres la longueur du parcours de toutes ces routes.

METEOROLOGIE.

             CLIMAT. – Le climat est doux et tempéré.

             VENTS. – Les vents soufflent du nord en hiver, du midi en été, du nord-ouest au printemps. Le vent de nord-ouest, connu sous le nom de galerne, est quelquefois funeste à la végétation.

             MALADIES. – Les maladies inflammatoires sont communes en hiver et au printemps. Les maladies nerveuses règnent en été, et les fièvres putrides en automne. Les habitants du pays étaient autrefois sujets à une maladie viscérale connue sous le nom de colique du Poitou. On a cru s’apercevoir que cette maladie avait disparu depuis qu’on a cessé de se servir de vases d’étain pour contenir le vin et les autres liquides susceptibles de devenir acides.

HISTOIRE NATURELLE.

             FOSSILES. — Les coteaux qui bordent la Vienne, la Creuse et l’Envigne, contiennent une grande quantité de fossiles. Ce sont des fongites, des madrépores, des corallites, nombre de coquillages, principalement des boucardites et des oursins, et des pétrifications de végétaux. — Mais un amas considérable et fort remarquable en ce genre , est le banc de coquillages, liés ensemble par un gluten, qui s’étend depuis le village d’Ozon, dans la plaine de Châtellerault et Ponthumé jusque sur le coteau du Chatelier [les Chateliers] au dessus du faubourg Sainte-Catherine.

             REGNE ANIMAL. – Les races d’animaux domestiques n’offrent rien de remarquable. On engraisse peu de bêtes à cornes pour l’approvisionnement de Paris : quelques cantons produisent des mules qui se vendent aux Espagnols. — Les ânes sont petits et d’une forme commune ; la race ovine paraît seule d’une espèce un peu perfectionnée. Le gibier de toute espèce est assez abondant. Les rivières sont poissonneuses.

             REGNE VEGETAL. – Le règne végétal n’offre rien de particulièrement remarquable ; la vigne vient bien dans le département. — Le noyer y réussit. — Les châtaignes de Civray sont estimées ; on recueille aussi d’excellentes truffes dans cet arrondissement. — Voici l’énumération que M. Cochon, ancien préfet de la Vienne, fait de ses productions végétales : 24 espèces d’arbres de haute futaie, 28 arbustes, 18 plantes céréales fromentacées, 350 plantes médicinales, 70 plantes culinaires et potagères, 80 plantes propres aux arts, 46 plantes dangereuses et nuisibles.

             REGNE MINERAL. – On exploite, dans le département, du minerai de fer, de la pierre meulière excellente, de la pierre de taille, de la pierre à aiguiser, etc. — Les pierres lithographiques de Châtellerault méritent une mention particulière ; plus compactes, plus dures et d’un grain plus fin que celle de Munich, elles sont propres aux nouvelles applications que l’on a faites de l’art lithographique, et se prêtent facilement à la gravure en relief au moyen des acides. — Il existe à Croutelle, près de Poitiers, des indices de mine de houille ; on trouve, dans l’arrondissement de Civray, quelques carrières de marbre susceptibles d’un beau poli. — Le pentine. — On trouve dans les sables de la Vienne, des cailloux transparents, susceptibles d’être taillés, qui étaient connus anciennement dans le commerce sous le nom de diamans[sic] de Châtellerault.

             EAUX MINÉRALES. — Le département possède, à la Roche-Posay, une source d’eaux minérales sulfureuses, froides, qui ont la réputation pour la guérison des maladies scrofuleuses, dartreuses, etc., ainsi que pour les rhumatismes et la débilité d’estomac. On en fait usage en boisson. — Il existe aussi à Availles une source d’eaux minérales froides.

VILLES, BOURGS, CHATEAUX, ETC.

            POITIERS, capitale du ci-devant Poitou, ch.-lieu de préf. Pop. 23,128 hab. ; — distance légale, S.-S.-O. de Paris, 85 l. ¾ (on paie par Orléans 44 postes, et 43 ½ par Chartres). — Cette ville est située sur une colline escarpée, environnée de rochers élevés, au confluent de la petite rivière de Vouneuil [Vouneuil-sous-Biard] avec le Clain. Ces deux rivières l’entourent presque en entier. — Elle est grande, mais peu peuplée pour sa grandeur. Des murailles antiques, flanquées de tours, forment son enceinte : on y entre par six portes, dont 4 ont un pont sur le Clain. L’intérieur de la ville est mal bâti  c’est un amas de maisons, sans goût, sans architecture, percé de rues étroites, tortueuses et malsaines. Les places sont sans étendue et sans ornements. — Cependant le Parc, le Cours, la promenade Guillon, sont des promenades fort agréables. — Poitiers, malgré l’irrégularité de ses constructions, est d’un aspect pittoresque à l’extérieur. — Dans le nombre de ses places publiques, il en est une, la place Royale, d’une étendue assez considérable, et au milieu de laquelle on voyait autrefois une statue en pied de Louis XIV en stuc bronzé. — Cette cité n’est pas sans gloire : elle s’illustre dans les guerres des Romains, des Francs et des Visigoths, qui tour à tour s’en emparèrent, la détruisirent, et la rebâtirent. Ce fut dans les plaines de Poitiers, vers l’an 732, que Charles Martel remporta une victoire mémorable sur les Maures d’Abdéramane. Plus tard, en 1356, le roi Jean et ses chevaliers y succombèrent, malgré leur bravoure, sous les masses anglaises et l’habileté d’Édouard III. Poitiers eut beaucoup à souffrir pendant les guerres de religion. — Le maréchal Saint-André s’en rendit maître, et y exerça d’horribles cruautés. — Coligny voulut reprendre cette ville, elle soutint un long siège et ne fut sauvée que par le désespoir de ses habitants. Ceux-ci bouchèrent les arches du pont de Rochereuil, et forçant les eaux du Clain à déborder inondèrent le camp des assiégeants, qu’ils obligèrent ainsi à la retraite. — Peu de villes avant 1793, renfermaient autant d’églises. On y voit encore celles de Saint-Pierre, de Sainte-Radegonde, de Notre-Dame, et temple [baptistère] Saint-Jean. — Saint-Pierre, cathédrale de Poitiers, est un des plus beaux monuments d’architecture gothique que possède la France. Cette église est remarquable par sa large façade à trois porches, flanquée de deux tours d’inégale grandeur. Le porche principal s’ouvre au-dessous d’une belle rosace que couronne une élégante galerie à colonnes. Le vaisseau en est vaste et simple à la fois, mais la hauteur de cet édifice est loin de répondre à son étendue. — Sainte-Radegonde est aussi d’une belle architecture . elle offre un portail à ogive décoré de sculptures délicates. L’édifice et le clocher sont de l’époque romane. L’église fut fondé en 587, par Sainte-Radegonde, femme de Lothaire 1er, qui y fut enterré. L’église Notre-Dame, superbe échantillon de l’architecture romane, présente une façade d’une rare beauté ; son portail est élégant et hardi ; il est orné de sculptures et de statues, et flanqué de faisceaux de colonnes qui en soutiennent deux fort jolies tourelles à dôme pointu et sculpté en écailles de poisson. L’intérieur de Notre-Dame ne répond pas à la beauté de l’extérieur : on prétend que cette église fut fondée par Constantin. — L’église de Saint-Jean, monument d’une haute antiquité, exerce encore la curiosité des savants. — Saint-Hilaire n’offre plus que des ruines qui attestent son ancienne magnificence. Elle contenait plusieurs tombeaux remarquables. — C’est à Poitiers que fut brûlé le malheureux curé de Loudun, Urbain Grandier [cela est une erreur, il fut brûlé à Loudun même, lieu de son procès]. — Depuis long-temps [sic] Poitiers est célèbre par son école de droit ; elle possède un collège royal estimé, et plusieurs hôpitaux bien tenus. — La bibliothèque publique renferme 12,000 volumes. — La ville possède aussi un cabinet d’histoire naturelle et de physique, et un jardin de botanique, ainsi qu’une jolie salle de spectacle et des établissements de bain. — On voit à Poitiers plusieurs antiquités précieuses en particulier le tombeau de Claudia Varenilla, fille du consul Claudius Varenus ; quelques vestiges du palais Galien ; ceux d’un aqueduc et d’un amphithéâtre.

            LUSIGNAN, ch.-l. de cant. À 6l ; S.-O. de Poitiers, sur la route de La Rochelle. Pop. 2,348 habit. — Cette petite ville est située agréablement, près de la petite rivière de la Vonne. Elle était autrefois le siège d’une justice royale, avait un gouverneur et un maire perpétuel. — Elle est fameuse par les merveilles qu’on attribuait anciennement à son château, construit dit-on par la fée Mélusine ; d’autres pensent que le château fut bâti par Geoffroy-à-la-grande-dent, parce qu’on voyait autrefois l’effigie de ce comte sur la principale entrée de la grande tour ; mais il paraît constant qu’il a été fondé par Hugues II, seigneur de Lusignan, dit le Bien-Aimé. — Ce château passait pour inexpugnable ; à différentes époques il soutint des sièges meurtriers. — Durant les guerres de religion, il fut pris, en 1574, par le duc de Montpensier, et ses fortifications furent rasées. — Sur leur emplacement, on a fait une promenade publique d’où l’on jouit d’une vue agréable. Il reste à peine quelques débris des nombreux édifices qui entouraient ce donjon gothique. — Lusignan ne possède d’ailleurs aucun monument digne de fixer l’attention.

             MIREBEAU, près de la source de la Palu et de la Dive ; ch.-l. de cant., à 7 l. N.-O. de Poitiers. Pop. 2,405 hab. — Cette ville, ancienne capitale du Mirebalais, dans le Haut-Poitou, eut pour origine un château construit par Foulques de Néra [Foulques Néra], comte d’Anjou. En 1202, ce château soutint un siège contre Artus de Bretagne. Éléonore d’Aquitaine, veuve de Henri II, roi d’Angleterre, s’y était renfermée pour se dérober aux poursuites de ce prince, son petit-fils. Le château de Mirebeau a été détruit dans le XVIIe siècle ; il n’en reste que quelques vestiges insignifiants.

            CHÂTELLERAULT, sur la Vienne, ch.-l. d’arrond., à 10 l. N.-N.E. de Poitiers. Pop. 9,487 hab. — Cette ville porte le nom de son fondateur, qui vivait au XIe siècle. Sur le site où elle se trouve, un nommé Hérault fit construire un château, et de l’assemblage des deux mots (Castel Hérault), s’est formé Châtellerault. — C’était autrefois le chef-lieu d’une élection, d’une sénéchaussée, d’un consulat pour les marchands et d’un corps de ville avec un maire perpétuel. — En 1574, Châtellerault fut érigé en un duché-pairie, qui fut réuni au domaine de la couronne par arrêt de confiscation des biens du connétable Charles de Bourbon, auquel il était échu en héritage. — Châtellerault est situé dans un pays fertile, coupé par des rivières, des vallons, des coteaux et des jardins qui offrent des points de vue agréables et variés. Cette ville est assez mal bâtie ; elle est située sur la rive droite de la Vienne, que l’on traverse sur un beau pont que Sully y fit construire ; au bout d’un pont est un petit château, flanqué de quatre grosses tours, et qui sert de porte à la ville. — Châtellerault est célèbre par ses fabriques de coutellerie. — Outre plusieurs églises, il possède un collège communal, un hôpital, et une manufacture royale d’armes dont les bâtiments sont au nombre des plus beaux édifices. Il est entouré de jolies promenades. — Cette ville a été, dit-on, à l’époque de la première guerre d’Espagne dans le XIXe siècle, vers 1808 ou 1809, le théâtre d’un événement pareil à celui qui avait rendu le souvenir des troupes du maréchal de Lorges si exécrable à la petite ville de Lagny. — On accusa dans le temps les Polonais de la garde impériale d’excès qui auraient dû être sévèrement punis, et dont leur glorieuse conduite à Somo-Sierra n’a pas effacé la tache.

             CÉNON [Cenon-sur-Vienne], sur la Vienne, à 1 l. de Châtellerault. Pop. 300 hab. — Il existait autrefois, dans cette commune, un cimetière qui, comme celui de Civaux, renfermait un grand nombre de cercueils en pierre ; on y a aussi trouvé plusieurs colonnes milliaires et d’autres colonnes creusées en forme de tombeaux : une de ces colonnes milliaires, qui portait une inscription romaine, avait été transportée dans le parc du château du Fou, où elle existe probablement encore. Depuis long-temps [sic] le cimetière de Cénon a été détruit et a fait place à des champs cultivés.

             CIVRAY, petite ville sur la rive droite de la Charente, dans un bassin assez fertile, ch.-l. d’arrond., à 15 l. S. de Poitiers. Pop. 2,203 h. — L’origine de Civray est ancienne, c’était une ville fortifiée ;on y voit les ruines d’un château ; son église paraît être un monument antérieur à l’établissement du christianisme dans les Gaules.

              CHARROUX, sur la Vienne, ch.-l. de cant., à 2 l. ¾ de Civray. Pop. 1,709 hab. — Une abbaye de bénédictins, fondée en 785 par Roger, comte de Limoges, et par sa femme Euphrasie, s’entoura peu à peu d’habitations qui, par la suite des temps, sont devenues la ville de Charroux. Charlemagne enrichit l’abbaye par de nombreuses dotations ; la majeure partie du territoire environnant devint la propriété de ses religieux. En 1208, il se tint dans ce monastère un concile contre les manichéens. Les seigneurs de Charroux possédaient le pays de la Marche dès le règne de Charles-le-Bel, qui l’érigea en comté en leur faveur. — L’église de l’abbaye, bâtie à la fin du VIIIe siècle, était fort belle, comme on peut en juger par les ruines qui en restent. Le maître-autel, entouré de trois rangs de piliers, était placé sous un dôme en forme de tiare, d’une hauteur prodigieuse. Ce bel édifice a été détruit par les protestants, dans le XVIe siècle.

             LOUDUN, ville ancienne, ch.-l. d’arrond., à 15 l. N.-N.-O. de Poitiers. Pop. 5,078 habit. — Capitale de l’ancien pays appelé Loudunois, cette ville est située sur une montagne. Elle fut cédée à Louis XI par les comtes de Poitou, et érigée en duché en faveur de Françoise de Rohan de la Garnache, à la mort de laquelle le duché s’éteignit. — Un grande [sic] nombre des habitants de Loudun étaient huguenots ; mais les persécutions des évêques de Poitiers les chassèrent de cette ville, qui perdit alors une partie de sa population. — Loudun est connu par les synodes qui s’y tinrent en 1611 et 1612, et par le procès étrange fait à son curé, le spirituel et malheureux Urbain Grandier. — Loudun est remarquable par de jolies promenades, qui occupent l’emplacement d’un ancien château, démoli en partie par l’ordre de Louis XIII, et dont il ne reste qu’une tour assez bien conservée.

             ORMES (Les), sur la route de Paris à Bordeaux, à 4 l. ¾ de Loudun. Pop. 450 hab. — Ce village est dans une situation agréable, sur la Vienne. On y voit un beau château bâti par le comte Voyer d’Argenson ; c’est un vaste édifice en pierre, avec deux ailes considérables pour les offices et des appartements pour les étrangers. L’entrée offre un élégant vestibule au-delà duquel se trouve le salon, pièce circulaire décorée en marbre. L’escalier est pareil à celui du Palais-Royal de Paris. On remarque dans le parc une colonne de 76 pieds d’élévation, autour de laquelle monte une spirale un léger escalier qui se termine par une plate-forme d’où l’on domine tous les environs. Les jardins et le parc s’étendent jusqu’au confluent de la Creuse et de la Vienne. Le parc renfermait autrefois un haras consacré à l’élève [sic] des chevaux de race anglaise, et à l’amélioration des races poitevines.

             CIVAUX, à 4 l. de Montmorillon (canton de Lussac-les-Châteaux). Pop. 750 h. — Cette commune n’est remarquable que par un grand nombre de tombeaux de pierre qui se trouvent dans un champ voisin. On en compte 7,000. La tradition prétend que ce sont les tombes des français morts dans la bataille que Clovis gagna sur les Visigoths. M. Siauve croit y reconnaître un ancien cimetière du XIXe [il y a une erreur sur le siècle car personne ne conteste l’ancienneté de ces tombes] siècle, commun à plusieurs villes et villages des environs. — Les habitants de Civaux montrent aussi, près de leur village, un endroit qu’ils nomment Pied-de-Biche, ils disent que ce fut là que Clovis passa la Vienne à gué, à la suite d’une biche qui lui servit de guide.

            MONTMORILLON, sur la Gartempe, chef-lieu d’arrond., à 13 l. E.-S.-E. de Poitiers. Pop. 3,608 hab. — Cette ville n’offre de remarquable qu’un monument  précieux de l’antiquité, qui se trouve dans l’ancien couvent des Augustins. C’est un édifice octogone, que plusieurs archéologues regardent comme un temple gaulois. Ce monument a deux étages, dont l’un est souterrain et, par un chemin long d’environ cent toises, communiquait avec la rivière. On voit au-dessus de la porte d’entrée une pierre longue de 2 mètres 27 centimètres, et large de 1 mètre 14 centimètres, sur laquelle, du côté extérieur, sont grossièrement sculptées huit figures humaines, dont six hommes et deux femmes ; cette pierre offre aussi, du côté intérieur, cinq autres figures adossées aux précédentes. Ces deux bas-reliefs ont long-temps [sic] occupé les savants, qui ont vainement cherché à les expliquer. Le bas-relief extérieur présente une femme nue allaitant deux serpents, trois figures barbues, à longues robes et groupées ensemble. On a voulu y reconnaître le costume des druides. Une de ces figures tient une tablette sur laquelle on croit reconnaître les deux lettres R O. Le groupe suivant se compose de trois jeunes garçons (ou trois jeunes filles), vêtus de longues robes ; celui du milieu tient sous son bras gauche plusieurs livres liés ensemble, un autre a la tête couverte d’un voile, le troisième porte de longs cheveux réunis en tresse. La sixième figure paraît la représentation d’une femme gauloise : elle a de longs cheveux tressés qui retombent sur sa poitrine ; elle est vêtue d’une longue robe, ses mains sont gantées (avec des gants dits à la Crispin), un long manteau flotte sur ses épaules et descend jusqu’à terre. — Le bas-relief intérieur offre aussi une femme nue allaitant deux crapauds. — Un ange ailé, revêtu d’une longue robe et d’un manteau orné d’une large bordure. — Les deux figures suivantes sont enlacées ensemble, comme une mère et une fille. L’une porte un voile, l’autre à des cheveux très longs et tressés : une ceinture ornée de broderies pose sur ses hanches et retombe par devant. — La cinquième figure porte les cheveux tressés et pendant sur sa poitrine. Son vêtement est serré jusqu’à la ceinture, d’où il tombe en longs plis jusqu’à terre. Les manches de sa robe sont décorées de dessins variés et différents de chaque côté. L’état de vétusté de ces divers bas-reliefs est tel, qu’on peut à peine distinguer les divers détails que nous venons d’indiquer.

VARIÉTÉS.

             ACADIENS. — L’arrondissement de Châtellerault renferme une population d’origine étrangère, si l’on peut appeler étrangères des familles qui, expatriées et établies en Amérique pendant plus d’un siècle, sont revenues vivre dans le pays de leurs ancêtres. La cause qui ramena en France les Acadiens était telle qu’on eût dû accueillir partout avec empressement et bienveillance des hommes si peu dignes de leur malheureux sort. — On sait que les premiers établissements européens dans le Canada furent d’abord formés par des Bretons et par des Normands. Les émigrations devinrent promptement assez nombreuses pour que la population s’étendit jusqu’aux grands lacs. — D’autres colons s’établirent en 1603, non loin du golfe Saint-Laurent, dans l’Acadie, dont le littoral était fertile et propre à la pêche. Ils se concilièrent bientôt, par leurs habitudes simples, leur franche probité, leurs mœurs patriarcales, l’amitié des indigènes. — Le traité d’Aix-la-Chapelle céda l’Acadie à l’Angleterre. — Mais si les traités peuvent changer la limite des empires, ils sont sans force sur les affections de l’âme. Les Acadiens n’avaient point oublié la patrie de leurs pères ; ils refusèrent constamment de prendre les armes contre les Canadiens, leurs frères d’origine, et méritèrent le nom de Français-neutres. Leur noble conduite excita vivement le ressentiment des Anglo-Américains. Franklin lui-même, cet homme que nous sommes habitués à regarder comme un sage, se laissa emporter par la passion nationale, et les poursuivit autant qu’il était en son pouvoir. Il répétait en 1754 que les treize colonies (qui forment aujourd’hui la masse principale des États-Unis d’Amérique), ne prospèreraient que quand elles seraient débarrasseés du voisinage des Acadiens. — Le ministre Chatam, cédant aux instances des Anglo-Américains, ordonna l’expulsion des Acadiens des terres qu’ils avaient défrichées, et qui formaient leur patrimoine. — Agriculteurs industrieux, ils avaient, par des chaussées, défendu leurs champs contre les inondations, et assuré d’abondants pâturages à leurs troupeaux : leurs vergers, leurs habitations, tout reproduisait l’aspect de la Normandie. — Le 5 septembre 1755, le gouverneur anglais convoqua tous les hommes à une assemblée où ils accoururent sans défiance. — Connaissant d’avance l’ordre barbare du ministre anglais, ils se seraient défendus les armes à la main, et dans leurs fermes et dans leurs forêts : leur résistance aurait été longue, et peut-être efficace, car huit tribus indigènes leur étaient dévouées et auraient combattu pour eux. C’est ce qu’on voulait éviter. On leur annonça leur déportation. La pitié anglaise leur accorda cinq jours seulement pour faire leurs préparatifs, et afin de les faire partir au jour marqué, on incendia leurs maisons, leurs granges, leurs églises ; à peine leur laissa-t-on des vêtements et quelques meubles à emporter, car pour de l’argent, ils n’en avaient pas : un peuple agriculteur possède peu de richesses métalliques. — Le sac de Praga n’a pas été plus horrible que celui de leur Port-Royal. — 15,000 Acadiens furent ainsi jetés dans des vaisseaux, malgré le désespoir des vieillards, la douleur des femmes, la fureur impuissante des jeunes gens. On ne permit pas toujours aux membres d’une même famille de s’embarquer ensemble. La flotte les déposa sur des plages diverses. — Quelques familles se réunirent dans la Louisiane, où leur township (district) est aujourd’hui un des plus florissants du pays. D’autres, réfugiés à Saint-Domingue, obtinrent des terres incultes. Plusieurs formèrent des établissements dans la Guyanne française. — Quelques-uns revinrent chercher une patrie dans la patrie de leurs pères, et, chose horrible à avouer, on les y laissa quinze ans languir dans la misère. — Enfin, en 1772, le gouvernement, sur les indications d’un bon citoyen (M. de Pérusse), entreprit d’établir dans une partie des cantons incultes des environs de Châtellerault, plusieurs de ces familles acadiennes qui, réfugiées en France en 1757, attendaient depuis cette époque qu’on leur donnât des terres à cultiver ; car elles ne demandaient que du travail et du pain. Cet établissement eut lieu à Cenan, où l’on édifia des habitations, et où commencèrent les défrichements. Mais les agents de l’administration chargés de choisir parmi ces malheureux, n’y envoyèrent que des familles d’ouvriers les moins propres à la culture de la terre, et rendirent vains tous les préparatifs dispendieux qui avaient été faits pour la colonisation. La plupart des Acadiens, découragés, s’en retournèrent en Amérique ; quelques-uns restèrent, dont les travaux et la persévérance ont obtenu depuis le succès qui leur était dû. — Ils introduisirent dans le pays plusieurs méthodes utiles. — C’est à eux qu’on doit l’emploi de la marne et l’usage de la charrue ; leur exemple et la bonne culure [sic] de leurs établissements montra [sic] aux habitants ce que valaient les terres les moins bonnes du pays, et les richesses qu’on en pouvait tirer avec du travail et de l’industrie. — Les Acadiens se fondirent peu à peu avec la population poitevine ; cependant leur nombre était encore assez considérable en 1790, pour que l’Assemblée constituante ait cru devoir voter des secours. — En 1820, il ne restait plus que cinq chefs de ces familles acadiennes, qui réclamèrent de la Chambre des députés la continuation de la faible pension qui leur avait été accordée avant la révolution.. — Les Acadiens qui sont restés en Amérique paraissent avoir été plus heureux. Ils n’ont pas eu à subir la pitié d’un gouvernement, et ils ont trouvé dans leur travail une ressource contre leur position malheureuse. — D’après l’auteur de la Statistique des Deux-Canadas, M. Isidore Lebrun, des 128,000 habitants de la Nouvelle-Écosse, 10,000 environ sont descendants des Acadiens. La majeur partie réside près de la rivière Saint-Jean. Ils habitent les townships de Clare et de Minutie, les plus avancés en agriculture. Ce sont des hommes industrieux, d’un caractère vif, enjoué, d’une constitution forte et belle. Ils sont religieux jusqu’à la superstition. Privés de journaux et presque d’écoles, ils sont heureux de leurs sentiments inébranlables ; ils ne parlent que la langue de leurs ancêtres, le français du XVIIe siècle. Celui d’entre eux qui altèrerait l’ancien costume normand serait mal vu, et qui adopterait quelque usage anglais, aurait le mépris de tous. Les Acadiens de la Nouvelle-Écosse ne se mêlent pas à la population anglaise. Ils ne se marient qu’entre eux. — Leur ville, que les Anglais nomment Annapolis, ils s’obstinent à la nommer Port-Royal !

             FÊTES CHAMPÊTRES ET RELIGIEUSES. — Les divertissements du paysan se lient aux travaux champêtres et à la croyance religieuse. Quelle joie n’éclate pas à la récolte des foins ! Le travail de la fauchaison est pénible, mais on se dédommage au fanage ; on chante , on danse, le vin est prodigué ; aussi ceux qui n’ont point cette récolte à faire vont-ils, comme en partie de plaisir, offrir leurs services à leurs voisins, sans autre intérêt que celui de se réunir et de s’amuser. — Les plaisirs de la moisson ne sont pas moins vifs. Chaque matin avant l’aurore, le son du cornet se fait entendre ; le moissonneur se lève, saisit sa faucille et son portoir : la bande joyeuse se forme, et l’on part pour se rendre au champ désigné dès la veille. On a réglé d’avance à qui appartient l’honneur du premier sillon et dans quel ordre les autres doivent suivre. Le cœur est rarement étranger à cette distribution : chaque garçon se place auprès de sa maîtresse ; il l’aide, et les doux propos font oublier le poids du travail et l’ardeur du soleil. Quand vient la soupe, tous approchent ; on s’assied à l’entour, et l’on mange de bon appétit ; on plaisante, mais avec décence, et celui qui s’en écarte est puni sur-le-champ ; on lui donne sur le derrière, avec un sabot, un nombre de coups proportionné à la gravité de sa faute. Après dîner [déjeuner], une demi-heure est accordée au sommeil, on se remet ensuite à l’ouvrage. A la nuit, les moissonneurs se rassemblent par troupes, dont chacune est précédée par un ou deux sonneurs de cornet, et rentrent ainsi au village. — La moisson finit, c’est un jour de triomphe. Pendant que les hommes rassemblent les gerbes et chargent la charrette, les filles font un bouquet que l’on nomme la gerbe de pampaillé. Trois longues baguettes soutiennent plusieurs cerceaux garnis de rubans et d’épis, dont la paille est réunie en un seul faisceau : c’est celui qui pendant la moisson a tenu le premier sillon, qui doit porter la gerbe d’honneur ; il monte sur le devant du char, et la troupe le suit. Les cris de iouh ! iouh ! et les sons rauques du cornet accompagnent cette marche triomphale. On arrive à la métairie ; un festin y attend les moissonneurs ; le vin coule en abondance. — Au premier silence de l’appétit succèdent bientôt les transports d’une gaîté bruyante, et des danses terminent cette heureuse journée. — Le battage des grains se fait aussitôt après la moisson : c’est le plus fatigant des travaux rustiques. Cependant les batteurs trouvent moyen de l’égayer en infligeant des peines à ceux qui enfreignent les règlements de la police de l’aire. La correction ordinaire consiste à renverser le coupable sur un ballin (drap de grosse toile rousse) que quatre hommes robustes tiennent par chaque coin ; on lui fait faire ainsi plusieurs fois le tour de l’aire, ce qui s’appelle balliner. On conçoit aisément les rires qui accompagnent cette promenade. — Les vendanges amènent, avec de nouveaux travaux, de nouveaux plaisirs. Ceux qui n’ont point de vignes veulent y participer comme les autres. On en célèbre également la fin par des danses bruyantes et de copieuses libations. — Pendant l’hiver, les solennités religieuses occupent le cultivateur, et sont pour lui une nouvelle occasion de divertissements. Ainsi le jour de la Toussaint, dans le pays des châtaigniers, on se rassemble dans les champs ou dans les bois ; on allume de grands feux, on danse autour, et on y fait cuire des châtaignes. Cela s’appelle faire le brasillet. La veille de Noël, après souper, le maître de maison se fait apporter une grosse bûche, tison de Noël ; et, entouré de tous les spectateurs recueillis dans un profond silence, il répand du sel et de l’eau sur cette bûche. Elle est ensuite mise au feu pour brûler pendant les trois fêtes ; mais on a bien soin d’en conserver un morceau pour l’allumer toutes les fois qu’il tonne, et préserver le village de la foudre. Cette cérémonie achevée, chacun prend place autour du foyer ; on chante des noëls burlesques, et, après la messe de minuit, on revient faire un réveillon que termine souvent une orgie. — Le jour de la Purification, le laboureur ne manque jamais de faire des crèpes [sic], afin que ses blés ne soient pas cariés. Il célèbre le Mardi-Gras par des festins et des danses, et croit que ce jour-là, les chats ont une assemblée générale qu’il appelle sabbat. — Le dimanche des Rameaux, il plante, dans chacun de ses champs, une branche de bois bénit . — Le Jeudi-Saint est employé en pratique de dévotion, et à chasser le lièvre de Pâques. — Le vendredi, après midi, on s’occupe exclusivement du verger : on greffe ou sème différents légumes ; on ne manque pas surtout de semer de la giroflée, qui semée ce jour-là, doit être double. — Le samedi est employé à faire des pâtés de hachis de viande et d’œufs, pour tous les habitants de la maison, maître, femme, enfants et valets. — La veille de la Saint-Jean, après le coucher du soleil, chacun porte son fagot sur la place ; on en forme une pyramide, et le vieillard de l’endroit y met le feu. Quand la flamme s’élève pétillante, on danse après avoir toutefois fait passer par la flamme salutaire le gros bouquet de bouillon blanc et de branches de noyer, qui, le lendemain avant l’aurore, doit être placé au-dessus de la porte de la principale étable.

             VEILLÉES ET BALLADES. — Outre ces fêtes, en quelque sorte publiques, les paysans ont aussi leurs veillées particulières, réunions plus joyeuses que les cercles brillants des villes. Dans plusieurs cantons, et notamment dans les landes, elles se tiennent dans les trous de carrières, les creux de rochers, où l’on entre que par une ouverture étroite : la caverne la plus ténébreuse est choisie de préférence ; c’est là que, chaque soir, à la lueur d’une lampe, les mères, les filles se rassemblent pour filer et pour entendre et raconter des histoires de revenants et de loups-garous, qu’elles tiennent de leurs aïeules. Les garçons s’y rendent aussi pour voir leurs maîtresses ; la jeune bergère laisse tomber son fuseau pour connaître ses amants  ils s’empressent de le ramasser, et quelques pruneaux dont elle est toujours munie, sont leur douce récompense. — La soirée se termine par des danses. — Ces danses sont très gaies et très animées de gestes et de cris : c’est le bal de Saintonge, la gavotte, le menuet, le branle de Poitou, si en vogue autrefois, et que les courtisans de Louis XI employaient pour dissiper les frayeurs de ce roi. — Pendant l’été, il y a beaucoup de ballades ou danses champêtres, surtout dans chaque commune lors des fêtes patronales ; c’est là qu’on voit briller la gaîté poitevine ; c’est là que les hommes boivent, et que les jeunes gens dansent au son de la musette ; c’est là que se forment les inclinations, que s’arrangent les mariages. Une jeune fille qui paraît à la ballade sans un garçon qui lui tire les doigts, est méprisée de ses compagnes. — Dans l’intervalle des danses, on voit le galant debout devant sa maîtresse, un coude fortement appuyé sur son épaule, tandis que l’autre main se glisse sans façon dans l’épais corset qu’aucun fichu ne recouvre. Ils se regardent , ne disent rien, et restent dans cette attitude des heures entières. C’est aussi aux ballades qu’on choisit les domestiques ; ils y viennent parés d’épis, s’ils se destinent aux travaux de la moisson ; de fleurs, s’ils veulent servir aux travaux du ménage.

             LA PIPÉE. — C’est une chasse très usitée dans les provinces de l’Ouest, et presque inconnue ailleurs. Elle a lieu en automne. — On choisit un taillis épais voisin de quelque étang ; on y dépouille de jeunes arbres de leurs branches de manière à ouvrir quatre allées aboutissant à un centre commun, où s’élève une hutte de feuillage destinée aux chasseurs. On courbe en arceaux les jeunes arbres dépouillés de leurs branches, et on les hérisse de gluaux ; puis à l’heure où le soleil couchant jette ses derniers rayons, où les merles, les geais et les autres oiseaux  rentrent dans les bois, les chasseurs vont se cacher dans la cabane. L’un deux, adroit pipeur, prend une feuille de lierre et imite le cri de détresse d’un merle en danger ; trompés par ce cri, une foule d’oiseaux accourent et, se précipitant sur les arbrisseaux d’alentour, tombent embarrassés dans les gluaux. Dès qu’il y en a un de pris, on le fait crier en lui cassant les pattes ou les ailes, les autres accourent à son aide et se font prendre. La chasse dure jusqu’à la nuit obscure : l’on se retire emportant souvent un grand nombre d’oiseaux. Les dames se mêlent parfois aux chasseurs, et leur présence empêche qu’on martyrise les malheureux prisonniers pour les faire crier.

DIVISION POLITIQUE ET ADMINISTRATIVE.

             POLITIQUE. – Le département nomme 5 députés. – Il est divisé en (arrondissements électoraux, dont les chefs-lieux sont : Poitiers, Châtellerault, Civray, Loudun, Montmorillon. – Le nombre des électeurs est de 1,672.

             ADMINISTRATIVE. – Le chef-lieu de la préfecture est Poitiers.

             Le département se divise en 5 sous-préf. ou arrond. commun.

  Poitiers
10
cantons
83
communes
94,770 
habit.
  Châtellerault
6
 
49
 
50,413
 
  Civray
5
 
45
 
44,442
 
  Loudun
4
 
63
 
35,103
 
  Montmorillon
6
 
61
 
58003
 
  Total
31
 
301
 
282.731
 

             Service du trésor public. – 1 receveur général et 1 payeur (résidant à Poitiers), 4 receveurs particul., 5 percepteurs d’arrond.
             Contributions directes. – 1 directeur (à Poitiers) et 1 inspecteur.
             Domaines et Enregistrement. – 1 directeur (à Poitiers), 1 inspecteur, 3 vérificateurs.
             Hypothèques. – 5 conservateurs dans les chefs-lieux d’arrondissements communaux.
             Contributions indirectes. – 1 directeur (à Poitiers), 3 directeurs d’arrond, 5 receveurs entreposeurs.
             Forêts. – Le départ. fait partie du 26e conservat. forestière. — 1 insp. À Poitiers.
             Ponts-et-Chaussées. – Le département fait partie de la 9e inspection, dont le chef-lieu est Tours. – Il y a 1 ingénieur en chef en résidence à Poitiers,.
             Mines. – Le département fait partie du 2e arrondissement et de la 1re division, dont le chef-lieu est Paris.
             Haras. – Le département, pour les courses de chevaux, fait partie  du 5e arrondissement de concours, dont le chef-lieu est Limoges.
             Loterie. – Les bénéfices de l’administration de la loterie sur les mises effectuées dans le département présentent (pour 1831 comparé à 1830), une augmentation de 55,123 fr.

             MILITAIRE. – Le département fait partie de la 12e division militaire, dont le quartier général est à Nantes. – Il y a à Poitiers : 1 maréchal de camp commandant la subdivision et 1 sous-intendant militaire. – Le dépôt de recrutement est à Poitiers. – La compagnie de gendarmerie départementale fait partie de la 7e légion, dont le chef-lieu est à Tours. – Châtellerault renferme une des deux grandes manufactures d’armes blanches qui existent dans le royaume. Un officier supérieur de l’artillerie en est directeur.

             JUDICIAIRE. – La cour royale de Poitiers comprend dans son ressort les tribunaux de la Vienne, de la Charente-Inférieure, des Deux-sèvres et de la Vendée. – Il y a dans le département 5 tribunaux de 1re instance (à Poitiers, Châtellerault, Civray, Loudun, Montmorillon, et 2 tribunaux de commerce (à Poitiers et à Châtellerault).

             RELIGIEUSE. – Culte catholique. – Le département forme, avec celui des Deux-Sèvres, le diocèse d’un évêché érigé dans le IIIe siècle, suffragant de l’archevêché de Bordeaux, et dont le siège est à Poitiers. – Il y a dans le département : à Poitiers : un séminaire diocésain qui compte 122 élèves, - à Montmorillon :, une école secondaire ecclésiastique. — Le département renferme 4 cures de 1re classe, 29 de 2e, 217 succursales et 14 vicariats. – Pour les congrégations religieuses, voyez le département des Deux-Sèvres.

 — Culte protestant. — Les réformés du département ont à Rouillé une église consistoriale, desservie par 2 pasteurs. Il y a en outre dans le département une société biblique.

             UNIVERSITAIRE. — Le département possède une Académie de l’université, dont le chef-lieu est à Poitiers, et qui comprend dans son ressort la Charente-Inférieure, les Deux-Sèvres, la Vendée et la Vienne.

             Instruction publique. – Il y a dans le département : - à Poitiers une faculté de droit ; une école secondaire de médecine ; un collège royal de 3e classe qui compte 380 élèves ; — 3 collèges : à Châtellerault, à Civray, à Loudun. – 1 école modèle à Loudun. – Le nombre des écoles primaires du département est de 210, qui sont fréquentées par 7,197 élèves, dont 5,855 garçons et 1,342 filles. – Les communes privées d’écoles sont au nombre de 156.

             SOCIETES SAVANTES, etc. – Poitiers renferme une Société d’Agriculture, une Société des Belles-Lettres, Sciences et Arts, des Écoles gratuites de Dessin et d’Architecture, et un Jardin botanique. — C’est dans cette ville que s’est ouvert, le 7 septembre 1834, le deuxième Congrès scientifique français (c’est du moins le titre que s’est donné cette réunion). — Il existe dans le département des Pépinières départementales avec Cours de culture d’arbres forestiers et fruitiers, et 7 Comices agricoles.

POPULATION.

D’après le dernier recensement officiel, elle est de 282,731 h. et fournit annuellement à l’armée 704 jeunes soldats.

             Le mouvement en 1830 a été de,

Mariages      
2,227
Naissances Masculins Féminins  

    Enfants légitimes
3,993
3,780
  Total
8,004
    Enfants naturels
134
97
Décès
3,119
3,064
Total
6,183

GARDE NATIONALE.

             Le nombre des citoyens inscrits est de 53,376.
             Dont :              17,592             contrôle de réserve
                                      35,784             contrôle de service ordinaire.
             Ces derniers sont répartis ainsi qu’il suit :
35,438 infanterie. — 47 cavalerie sapeurs-pompiers. — 123 artillerie. — 173 sapeurs-pompiers.

             On en compte : armés, 5,483; équipés, 2,859 ; habillés, 5,684.
             16,643 sont susceptibles d’être mobilisés.
             Ainsi sur 1000 individus de la population générale, 190 sont inscrits au registre matricule, et 58 dans ce nombre sont mobilisables ; sur 100 individus inscrits sur le registre matricule, 67 sont soumis au service ordinaire, et 33 appartiennent à la réserve.
             Les arsenaux de l’Etat ont fourni à la garde nationale 7,100 fusils, 125 mousquetons, 6 canons et un assez grand nombre de sabres, etc.

IMPOTS ET RECETTES.

             Le département a payé à l’Etat (1831) :

Contributions directes 2,708,420
f.
33
c.
Enregistrement, timbre et domaines 1,435,158

88

Boissons, droits divers, tabacs et poudres 873,100

92

Postes 176,645

86

Produit des coupes de bois
62,059

37

Loterie 45,954

90

Produits divers
40,499

13

Ressources extraordinaires
670,422
  
62

 
Total  
6,012,262

01

             Il a reçu du trésor 4,862,098 f. 48 c. dans lesquels figurent :
La dette publique et les dotations, pour
941,728
f.
04
c.
Les dépenses du ministère de la justice
266,569
 
60
 
  de l’instruction publique et des cultes
348,133
 
49
 
  de l’intérieur
56,120
 
15
 
  du commerce et des travaux publics
571,944
 
33
 
  de la guerre
1,755,149
 
19
 
  de la marine
288
 
65
 
  des finances
133,393
 
81
 
Les frais de régie et de perception des impôts
542,353
 
72
 
Remboursem., restit., non-valeurs et primes
246,417
 
48
 
   
 
Total
4,862,417
 
50
 
Ces deux sommes totales de paiements et de recettes représentant à peu de variations près le mouvement annuel des impôts et des recettes, le département dont l’agriculture n’a qu’un médiocre développement, et dont l’industrie est dans l’enfance (sauf certaines branches), paie annuellement à l’État, de plus qu’il ne reçoit, et par suite des frais du gouvernement central,  1,150,163 fr. 23 c., ruineuse extraction de numéraire qui équivaut presque au 10e du revenu territorial.

DEPENSES DEPARTEMENTALES.

             Elles s’élèvent (en 1831) à 308,875 f. 78 c.,

SAVOIR : Dép. fixes : traitements, abonnem., etc.
78,458
f.
63
c.
  Dép. variables : loyers, réparations, secours, etc.
230,417
 
15
 
    Dans cette dernière somme figurent pour
32,925 f. les prisons départementales,
46,200 f. les enfants trouvés.

 

 
Les secours accordés par l’Etat pour grêle, incendie, épizootie, etc., sont de
2,721
 
"
 
Les fonds consacrés au cadastre s’élèvent à
84,018
 
84
 
Les dépenses des cours et tribunaux sont de
235,082
 
17
 
Les frais de justice avancés par l’Etat de
26,369
 
01
 

INDUSTRIE AGRICOLE.

             Sur une superficie de 691,012 hectares, le départ. en compte :350,000             mis en culture. — 63,088 forêts. — 28,491 vignes. —130,000              landes. — 70,000 prairies.
             Le revenu territorial est évalué à 12,082,000 francs.
             Le département renferme environ : 20,000 chevaux. — 65,000 bêtes à cornes (race bovine). — 60,000  porcs. — 200,000  moutons.
             Les troupeaux de bêtes à laine en fournissent chaque année environ 400,000 kilogrammes.
             Le produit annuel du sol est d’environ,

En céréales, en parmentières
1,000,000
hectolitres.
En avoines
100,000
   id.
En vins
700,00
   id.
L’industrie agricole est depuis long-temps stationnaire. — Les terres y produisent néanmoins des céréales de toute espèce, des fruits excellents. — On estime les châtaignes de Civray, les noix et les amandes de Mirebeau et de Saint-Savin. — Il y a de bons pâturages, mais on élève peu de chevaux et de mulets. — Les moutons des cantons de Loudun et de Mirebeau sont d’une bonne espèce. — La culture de la vigne et la fabrication du vin ne sont pas assez soignées, néanmoins le vin, qui est haut en couleur, se conserve bien. — On cite pour leurs produits les vignobles de Couture, de Champigny-le-Sec, de Loneuil, de Saint-Georges et d’Availle. — Les paysans engraissent des volailles, et surtout des porcs, dont on envoie annuellement dans nos ports de l’ouest environ 45,000. — L’éducation des abeilles est une source de richesses pour le cultivateur. . — Le miel et la cire de la Vienne sont recherchés. — Les fruits du noyer et du hêtre sont communément employés à la fabrication de l’huile qui se consomme dans le pays. — Les plantes textiles donnent des produits de belle qualité ; on vante le lin de Moncontour. — La culture des terres se fait généralement avec l’araire antique, que dans d’autres pays on nomme areau ; on y attelle suivant les cantons, des bœufs et des mules. Quelques cultivateurs, disposés en faveur des améliorations, ont introduit l’usage de la charrue dans les terres, et s’en sont bien trouvés ; mais leur exemple a eu jusqu’ici peu d’imitateurs. — L’usage est de donner dans le pays les petites propriétés en fermage à des colons. Le propriétaire, qui fournit la moitié des semences et du bétail, est de moitié dans les produits. On n’est pas d’accord sur ce mode d’exploitation, que les uns considèrent comme aussi avantageux que possible, et d’autres comme nuisible. — La récolte des moissons, le battage et le vanage [sic] des grains, ainsi que la rentrée des pailles et des blés dans les granges, se font communément à l’entreprise. Des particuliers se chargent de ces travaux moyennant l’abandon d’une portion de la récolte. Cette portion varie du septième au cinquième.

INDUSTRIE COMMERCIALE.

             Le commerce s’exerce principalement sur les produits du sol et de l’agriculture. Le miel, la cire, les châtaignes, la graine de luzerne, de trèfle et de sainfoin, en sont les articles les plus importants. Les établissements industriels ne sont pas très nombreux. Ceux qui s’occupent de l’exploitation, de la préparation et de la fabrication des métaux occupent le premier rang. Le département renferme 2 hauts-fourneaux et 5 forges. Les armes blanches et la coutellerie de Châtellerault sont justement estimées. — Il existe dans quelques localités des fabriques de dentelles communes, des filatures mécaniques de laine et des manufactures de grosses étoffes du pays. On y remarque quelques papeteries . La préparation des peaux et des cuirs y est portée à un certain degré de perfection. — La pelleterie s’y occupe de la préparation des peaux d’oies et des peaux de lièvres pour fourrures. — Les biscuits et les macarons de Montmorillon ont de la réputation, et donnent lieu à quelques exportations. — Divers brasseries, des distilleries et des fabriques de vinaigre existent aussi dans le pays.

             RÉCOMPENSES INDUSTRIELLES. — A l’exposition des produits de l’industrie de 1827, le département n’a obtenu qu’UNE MÉDAILLE DE BRONZE, accordée à M. Guerineau fils aîné (de Poitiers), pour préparation de peaux de lièvres ; UNE MENTION HONORABLE a été décernée à MM Daillé-Augeard (de Châtellerault), pour coutellerie, et UNE CITATION à M. Lemaire (de Châtellerault), pour fabrication de couteaux et de serpettes de diverses espèces.

             FOIRES. – Le nombre des foires du département est de 572. Elles se tiennent dans 86 communes, dont 23 chefs-lieux, et durant pour la plupart 2 à 3 jours, remplissent 103 journées.

Les foires mobiles, au nombre de 71, occupent 82 journées. Il y a 29 foires mensaires.

             215 communes sont privées de foires.

             Les articles de commerce sont les chevaux, les bestiaux et les grains ; les cuirs, les laines, les chanvres les toiles ; la mercerie, la quincaillerie, etc.

BIBLIOGRAPHIE.

             Description topographique du district de Châtellerault, par Creuzé-Latouche ; ; in-8. Châtellerault, 1790.
             Description générale de la Vienne, par Cochon, préfet ; in-8.Paris, an X.
            
Mémoire sur les antiquités du Poitou, aujourd’hui département de la Vienne, par Siauve ; in-8. Poitiers, an XII.
             Statist. De la Vienne, par Peuchet et Chanlaire ; in-4. Paris, 1811.
            
Souvenirs pittoresques du Poitou et de l’Anjou, par A. Noël ; in-4. Paris 1824.
            
Annuaire de la Vienne ; in –12. Poitiers, 1827 et 28.

A.      HUGO.


On souscrit chez DELLOYE, éditeur, place de la Bourse, rue des Filles-S.-Thomas, 13.

Paris. – Imprimerie et Fonderie de RIGNOUX et Comp., rue des Francs-Bourgeois-Saint-Michel, 8.


[1] La statistique rédigée par M. Cochon, ancien préfet de la Vienne, donne à ce portique des dimensions bien autrement considérables : « On y remarque, dit cet administrateur, un portique qui a 70 mètres 14 centimètres de hauteur, et 27 mètres 28 centimètres en carré. La porte a 35 mètres 71 millimètres de hauteur, et 15 mètres 59 centimètres de largeur… C’est dans ce lieu qu’en l’an 742, Carloman et Pépin, fils de Charles-Martel , se partagèrent le royaume de France. » [retour au texte]

[2] Les Poitevins et les Saintongeais étaient alors pour la plupart protestants. [retour au texte]

[3] Les Béarnais et les Gascons. [retour au texte]

À la Croisée de l'Anjou, de la Touraine et du Poitou — L'Histoire

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Mise à jour le : 2002-10-20