A la Croisée de l'Anjou, de la Touraine et du Poitou
François Rabelais
Commentaires de Le Duchat
par Jean-Claude Raymond
Table des matières
Les commentaires ci-dessous proviennent d'un extrait des Commentaires de Le Duchat établi par J. Rostaing, publié dans le 6e tome des Œuvres de François Rabelais, éditées en 1876, par Delarue, libraire éditeur à Paris. Nous avons utilisé le signe typographique actuel pour la lettre s contrairement à l'impression de 1876.
A
eux seuls, les commentaires constituent un volume. Nous ne donnons ici
que les définitions dont nous avons besoin sur le
présent site. Toutefois, si des personnes
nous en font la demande nous publierons, dans la mesure de nos
disponibilités, les définitions qu'elles nous
demanderaient.
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Seules les lettres auxquelles nous avons rattaché des mots
sont listées ci-dessous.
Caleil. Patois Languedocien : écaille de la lampe à queue. (L. II — C. XXIII). [Le terme chaleuil fait partie du parler Loudunais pour désigner une lampe à huile, voir une photographie.]
Cheussons (de la Devinière). Culex, culicio, chuçon&, par corruption, cheusson, mot qui, en Anjou & en Touraine, signifie certain petit moucheron qu'on appelle communément un cousin ; pareillement de cucullutio, formé de cucullutus, Rabelais fait ici cheusson, dans la signification d'un Moine addonné à la contemplation des choses Divines. An chap. 21 du L. III, il compare les Religieux à de la Vermine de toutes les sortes. Ici, il fait la même chose, & comme, sous prétexte de lui rendre visite, ces gens malintentionnez venoient l'épier jusque dans sa propre maison de la Devinière, il se propose de brider ces puces & ces cheussons… à force de les faire boire. (Pron. Pant. C. VI.)
Note
Le cousin est le nom vulgaire du genre culex, insecte de l'ordre
des diptères, famille des culicides (d'après
l'encyclopédie Quillet). En fait ce sont
nos moustiques et non des moucherons. Il n'est pas surprenant que
Rabelais rapproche les
cheussons et les puces car ces insectes piquent l'homme. En
fait, ils vivent à ses dépens. Ce même ouvrage ajoute à la définition
du cousin que nous
venons de voir l'expression avoir toujours des cousins chez
soi
avoir souvent chez soi des parasites qui se disent cousins ou amis.
Cette
expression n'est certainement d'hier et illustre bien le propos de
Rabelais traitant de cheussons les inopportuns qui vivent sur le dos
des
autres.
Douzil. C'est le fausset d'un tonneau. Tortre (pour tordre) le douzil : métaphore prise de ce qu'après avoir goûté le vin d'un mui, on y met, pour boucher le trou, un fausset qu'on met en le tordant. (L. I — C. III)
Note
Le mot mui
est une unité ancienne de mesure pour les liquides et les grains. Il
désigne aussi un tonneau d'une contenance d'un mui (muy in Thresor
de la langue francoyse tant ancienne que moderne par Jean
Nicot).
Un fausset est une petite cheville de bois pour boucher le trou fait à
un tonneau. Tirer le
vin au faussset.
(d'après [3]). Cette définition n'indique pas à quoi et comment on se
servait du douzil. Le mot douzil est pour moi familier car il était
utilisé par mes deux grands-pères (voir leur lieux d'habitation dans
l'article sur la langue du sud de la
Touraine et du Loudunais).
J'ai pu voir l'usage qui en était fait. Par l'orifice obstrué par le
douzil en l' enlevant (en le tirant d'où le nom de la confrérie des Tire-Douzils)
un filet de vin jaillit. On le recueille dans un verre ou plus
anciennement dans un taste-vin. On tire le douzil pour goûter le vin.
Il s'agit de tirer de petites quantités tant que la barrique n'est pas en perce. Mettre en
perce une futaille consiste à introduire une canelle ou canette
dans un trou qui se trouve sur le même fond que le douzil mais dans la
partie inférieure du fond. Le trou pour mettre la canette est obstruée
par un bouchon en liège. On applique la canette dont le bout est tronc
conique contre le bouchon et par un coup sec asséné à l'aide d'un
maillet sur la canette celle-ci pousse le bouchon dans la barrique et
prend sa place. La canette est ce qu'on appelle aujourd'hui une vanne
quart de tour. Quand la tige qui commande la vanne est parallèle à la
canette le vin s'écoule. Un quart de tour dans un sens ou dans l'autre
suffit à arrêter l'écoulement. On met le moins grand nombre de
barriques simultanément en perce car lorsque la quantité de vin diminue
la surface à l'air est plus grande et le vin à tendance à s'oxyder. On
conserve le vin dans des barriques complètement pleine jusqu'à la bonde.
Escharbotte. Ici, c'est élargir le feu
pour, en lui donnant de l'air, le mettre en état de mieux flamber (L.
I.
— C. VIII.)
Estré. On
appelle estrè,
en Languedoc, tout ce qu'on ne veut ou ne saurait nommer. (L. III. — C.
XXVI.)
Fanfreluches. Autrefois fanfelus & fanfeluës, sont des flammêches qui s'élèvent en l'air quand on brûle des feuilles, du papier , des chenevottes ou quelque chose de semblable. De là, fanfreluches pour bagatelles, qui est, ici, le sens de ce mot (L. 1. — C. II).
Foüaciers (de Lerné). Lerné ou Lernay est une paroisse du Poitou, dans laquelle on fait une espèce de galette ou de tourteau cuit au feu, que ceux du païs appellent foüace. Rabelais appelle foüaciers les hommes qui la font & la débitent. (L. I. — C. XXV.)
Note
Pour un locuteur connaissant le parler tourangeau, il n'est pas
possible de ne pas rapprocher le mot fouace du verbe s'éffouâser
(voir références lexicales, entrée [1]). Ma famille prononçait
effouasser. La principale signification donnée dans [1] est : s'affaisser en s'étalant.
Une image qui m'est restée en tête qui illustre se mot. Mes grands-parents paternels avaient une maison sur le bord de la route et il n'était pas rare de s'asseoir sur le seuil de la porte. Il y avait peu de trafic automobile et les passants à pied, en vélo ou en cariole s'arrêtaient pour une petite bavette (dans [4] : tailler une bavette —> bavarder). Par contre, passait souvent le troupeau du fermier voisin. Ce jour là, une vache se lâcha juste devant nous et mon grand-père de dire : « Regarde-moi ça, cette fouace qu'elle nous a laissée ! » Il n'était le seul à employer ce mot. Le rapprochement entre la bouse et la galette est peut-être incongrue mais pour moi, la fouace est faite d'une pâte molle avant cuisson qui a eu le temps de s'effouassser avant la cuisson complète.
Poyzars. [poisars] On appelle poyzars, en Poitou & dans le païs messin, la chaûme ou la tige des pois répandue sur la terre, après qu'on en a détaché les gousses. (L. I. — C. XXXVIII.)
Réciner.
Signifie proprement faire collation après le dîner. De recœnare,
fait de cœna, qui, selon Festus,
signifiait le dîner des Anciens. (L.I. — C. V.)
Probablement ayant la même racine, le verbe rissouner
employé par la propriétaire de maison que mon
père avait louée. Pour dire qu'elle allait
dîner, elle disait allons rissouna.
Le petit déjeuner était le petit rissouna. La
maison était sise à Saint-Maixent (nous l'avons
quittée en 1953) et les propriétaires habitaient non loin dans les
Deux-Sèvres.
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A la Croisée de l'Anjou, de la Touraine et du Poitou vous remercie de votre visite
Dernière modification : 2008-01-01 - 10:58:38
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